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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/150

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— C’est une riche héritière saxonne, répondit le prieur Aymer, une rose de beauté, un joyau de richesses, la plus belle entre mille, un bouquet de myrrhe, une pelote de camphre, une bonbonnière d’aromates.

— Eh bien ! nous dissiperons ses chagrins, nous anoblirons son sang en lui faisant épouser un Normand ; elle paraît encore mineure, c’est donc à nous qu’appartient le droit de la marier. Qu’en dis-tu, de Bracy ? ne serais-tu pas disposé à obtenir de belles terres en épousant une Saxonne, comme l’ont fait nombre des amis de Guillaume-le-Conquérant ?

— Si ses domaines me plaisent, milord, répondit de Bracy, il serait difficile que l’épouse ne me plût pas, et je serais bien reconnaissant à Votre Altesse de cet acte généreux qui remplirait toutes les promesses qu’elle a faites à son fidèle serviteur et vassal.

— Nous ne l’oublierons pas, dit le prince ; et afin que nous puissions nous mettre à l’œuvre sur-le-champ, dis à notre sénéchal d’inviter à notre banquet de ce soir lady Rowena et sa compagnie, c’est-à-dire son vilain rustaud de tuteur, et cet autre bœuf de Saxon que le chevalier Noir a terrassé dans le tournoi… De Bigot, dit-il à son sénéchal, porte notre seconde invitation, et emploie des expressions si adroites, si polies et si engageantes, que l’orgueil de ces fiers Saxons ait lieu d’être content et qu’il leur soit impossible de refuser, quoique, par les os de saint Thomas Beckel, user de courtoisie avec de pareilles gens, ce soit jeter des perles à des pourceaux. »

Le prince Jean avait à peine achevé ces mots, qu’au moment où il se préparait à donner le signal du départ, on vint lui remettre un billet cacheté. « D’où vient ce billet ? » dit-il en regardant la personne qui venait de l’apporter.

« Je l’ignore, mon prince, reprit celui-ci, mais c’est probablement d’un pays lointain ; un Français me l’a remis, et il dit avoir voyagé nuit et jour afin de l’apporter à Votre Altesse. »

Le prince examina soigneusement l’adresse, puis le cachet, qui était placé de manière à fixer une petite bande de soie qui entourait le billet et qui portait l’empreinte de trois fleurs de lis. Il ouvrit alors le billet avec une certaine émotion qui s’augmenta visiblement lorsqu’il eut pris connaissance du contenu, qui se réduisait à ces mots : « Prenez garde à vous ; le diable est déchaîné. » Le prince pâlit, fixa les yeux à terre, puis les leva vers le ciel, comme un homme qui vient d’entendre sa dernière sentence. Remis cependant