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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/200

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che, ce qui était difficile sur un terrain où les chevaux enfonçaient à chaque pas, et sur lequel on ne pouvait avancer en ordre. À peine avaient-ils franchi le ruisseau avec une partie de leur suite, qu’ils furent assaillis tout à la fois de front, en flanc et en queue, avec une telle impétuosité qu’il leur fut impossible de se mettre en état de défense. Les cris de « Dragon blanc ! dragon blanc ! Saint-George et l’Angleterre ! » adoptés par les assaillants comme appartenant à leur rôle d’outlaws saxons, se firent entendre de tous côtés ; et de toutes parts aussi accouraient de nouveaux ennemis avec une rapidité qui semblait multiplier leur nombre.

Les deux chefs saxons furent faits prisonniers au même instant, et chacun avec des circonstances convenables à son caractère. Cedric, à l’approche de l’ennemi, lança sa dernière javeline, qui, mieux dirigée que celle qui avait blessé le pauvre Fangs, cloua contre un chêne l’homme qui se trouvait devant lui. Il fondit sur lin second l’épée à la main, et le frappa avec une si grande et si aveugle furie que son arme se brisa contre une énorme branche et qu’il fut désarmé par la violence du coup. Précipité à bas de son cheval par deux ou trois des brigands qui l’entouraient, il fut fait prisonnier. Quant à Athelstane, il partagea le même destin, car la bride de son cheval fut saisie et lui-même démonté long-temps avant qu’il pût tirer son épée et se mettre en état de défense. Les hommes de leur suite, embarrassés au milieu du bagage, surpris et épouvantés du destin de leurs maîtres, devinrent à leur tour la proie des assaillants, tandis que lady Rowena, au centre de la cavalcade, et le Juif avec sa fille à l’arrière-garde, subirent le même sort.

Personne n’échappa à la captivité, si ce n’est Wamba, qui montra d’abord dans cette occasion beaucoup plus de courage que ceux qui prétendaient avoir plus de bon sens que lui. S’étant emparé de l’épée d’un des domestiques, il en fit usage avec une telle vigueur, qu’il repoussa plusieurs des assaillants ; il tenta même à plusieurs reprises d’aller au secours de son maître ; mais voyant qu’il n’était pas soutenu par ses camarades, dont la plupart étaient déjà garrottés, il se laissa glisser à bas de son cheval, et, à la faveur des ténèbres et de la confusion, s’éloigna du champ de bataille.

Cependant le courageux bouffon ne se vit pas plus tôt en sûreté, qu’il hésita s’il ne retournerait point partager la captivité d’un maître auquel il était réellement attaché. « J’ai ouï vanter les délices de la liberté, se dit-il à lui-même, mais je voudrais bien qu’un