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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/260

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— Allons, noble Cedric, dit Athelstane, ne perdez pas cette occasion, croyez-moi. Votre présence encouragera nos amis à travailler à notre délivrance ; au lieu que si vous restez ici, notre perte est certaine.

— Y a-t-il au dehors quelque apparence de salut ? » demanda Cedric en regardant le fou.

« Apparence ! répéta Wamba ; ah bien oui ! Permettez-moi de vous représenter que ce froc vaut en ce moment un habit de général. Cinq cents hommes sont là tout près, et ce matin même j’étais un de leurs principaux chefs ; mon bonnet de fou était un casque, et ma marotte un gourdin. Bien, bien ! nous verrons ce qu’ils gagneront au change, un fou pour un homme sage. À vous parler franchement, je crains fort qu’ils ne perdent en valeur ce qu’ils pourront gagner en prudence. Adieu donc, mon maître ; de grâce, soyez humain pour le pauvre Gurth et pour son chien Fangs, et faites suspendre mon bonnet dans la salle de Rotherwood, en mémoire de ce que je donne ma vie pour sauver celle de mon maître, en fou fidèle et dévoué. » Wamba prononça ces derniers mots d’un ton moitié sérieux, moitié comique, et les yeux de Cedric se remplirent de larmes.

« Ta mémoire sera conservée, » lui répondit-il avec émotion, « tant que l’attachement et la fidélité seront honorés sur la terre. Mais j’ai l’espoir que je trouverai les moyens de sauver Rowena, Athelstane, et toi aussi, mon pauvre fou : ton dévoûment ne peut manquer de trouver sa récompense. »

L’échange des vêtements fut promptement terminé ; mais tout-à-coup Cedric parut frappé d’une idée. « Je ne sais d’autre langue que la mienne, dit-il, et quelques mots de ce normand si ridicule et si affecté. Comment pourrai-je me faire passer pour un frère ?

— Le succès dépend de deux mots magiques, répondit Wamba : Pax vobiscum ! répond à tout, souvenez-vous-en bien. Allez ou venez, mangez ou buvez, bénissez ou excommuniez, Pax vobiscum ! s’applique à tout. Ces mots sont aussi utiles à un moine qu’une baguette à un enchanteur, et un manche à balai à une sorcière. Mais prononcez-les surtout d’un ton grave et solennel : Pax vobiscum ! Gardes, sentinelles, chevaliers, écuyers, cavaliers, fantassins, tous éprouveront l’effet de ce charme puissant. Je pense que s’ils me conduisent demain à la potence, ce qui pourrait bien m’arriver, j’essaierai l’efficacité de ces deux mots sur l’exécuteur de la sentence.