CHAPITRE XXVII.
Lorsque Urfried, à force de grommeler et de menacer, eut décidé Rébecca à retourner auprès du blessé, elle conduisit Cedric, qui ne la suivait qu’avec répugnance, dans une petite chambre dont elle ferma soigneusement la porte. Plaçant alors sur une table un flacon de vin et deux verres, elle lui dit, d’un ton plutôt affirmatif qu’interrogatif : « Tu es Saxon, mon père ?… Ne le nie pas, » continua-t-elle en s’apercevant que Cedric hésitait à répondre ; « les sons de ma langue maternelle sont doux à mon oreille, quoique je ne les entende que rarement, c’est-à-dire lorsqu’ils sortent des lèvres de misérables serfs, êtres dégradés que les orgueilleux Normands condamnent aux travaux les plus vils de cette demeure. Tu es Saxon, te dis-je, et Saxon libre, aussi vrai que tu es serviteur de Dieu. Je te le répète, tes accents sont doux à mon oreille.
— Aucun prêtre saxon ne vient-il donc jamais visiter ce château ? reprit Cedric. Il me semble qu’il serait de leur devoir de venir consoler les enfants opprimés de leur malheureuse patrie.
— Ils n’y viennent pas ; ou, s’ils y viennent, ils aiment mieux s’asseoir au banquet des conquérants, des tyrans de leur patrie, que d’écouter les gémissements de leurs compatriotes, du moins est-ce là ce qu’on dit d’eux ; quant à moi, j’en sais fort peu de chose. Depuis dix ans il n’est entré dans ce château d’autre prêtre que le chapelain. Normand débauché qui partageait les orgies nocturnes de Front-de-Bœuf, et qui, depuis long-temps, est allé rendre compte là-haut de ses actions ici-bas. Mais tu es Saxon, mon père, un prêtre saxon, et j’ai une question à te faire.
— Je suis Saxon, je l’avoue, mais indigne du nom de prêtre.