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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/276

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— Ta fiancée ! s’écria de Bracy ; lady Rowena la fiancée d’un vassal tel que toi ! Saxon, tu rêves sans doute que tes sept royaumes subsistent encore. Apprends que les princes de la maison d’Anjou ne donnent pas leurs pupilles à des hommes d’un lignage tel que le tien.

— Mon lignage, orgueilleux Normand, sort d’une source plus ancienne et plus pure que celle d’un mendiant français qui ne vit qu’au prix du sang d’une troupe de brigands rassemblés sous sa misérable bannière. Mes ancêtres furent des rois braves à la guerre, sages au conseil, qui chaque jour nourrissaient dans les vastes salles de leurs palais plus de centaines de vassaux que tu ne comptes d’individus à ta suite. Leurs noms, leur renommée, ont été célébrés par les ménestrels ; leurs lois sont conservées dans le Wittenagemotes ; leurs dépouilles mortelles ont été accompagnées à leur dernière demeure par les prières des saints, et des monastères ont été fondés sur leurs tombeaux.

— Tu as ce que tu cherchais, de Bracy, » dit Front-de-Bœuf satisfait de l’humiliation que son compagnon venait de recevoir ; « le Saxon a frappé juste.

— Aussi juste, » répondit de Bracy avec un air d’insouciance, « que peut frapper un Saxon auquel, après l’avoir chargé de chaînes, on veut bien laisser le libre usage de sa langue. Mais ta rodomontade, » ajouta-t-il en s’adressant à Athelstane, « ne rendra pas la liberté à lady Rowena. »

Athelstane, qui avait déjà parlé beaucoup plus longuement qu’il n’avait coutume de le faire sur quelque sujet que ce fût, quelque intérêt même qu’il y prît, ne fit aucune réponse. La conversation fut interrompue par l’arrivée d’un valet qui annonça qu’un moine se présentait à la poterne et demandait à entrer.

« Au nom de saint Bennet, prince de tous ces mendiants désœuvrés ! dit Front-de-Bœuf, est-ce un véritable moine, pour cette fois, ou un autre imposteur ? Esclaves, qu’on le fouille ! Si vous vous laissez duper une seconde fois, je vous ferai arracher les yeux, et mettre à la place des charbons ardents.

— Que j’endure tout l’excès de votre colère, monseigneur, dit Gilles, si celui-ci n’est pas un vrai moine. Votre écuyer Jocelyn le connaît parfaitement : il vous certifiera que c’est le frère Ambroise, moine de la suite du prieur de Jorvaulx.

— Alors qu’il soit introduit, reprit Front-de-Bœuf ; probablement il nous apporte des nouvelles de son joyeux maître. Le diable