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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/300

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et autres missiles[1] n’était interrompu que par les cris que poussait tour à tour chacun des deux partis quand il avait fait éprouver à l’autre quelque perte notable.

« Et il faut que je reste ici étendu comme un moine fainéant dans son lit, s’écria Ivanhoe, pendant que d’autres jouent la partie qui doit décider de ma liberté ou de ma mort ! Regarde encore par la fenêtre, bonne Rébecca ; mais prends bien garde, évite avec soin d’être aperçue par les archers. Regarde de nouveau, et dis-moi si l’ennemi continue d’avancer. »

Avec une résignation et un courage que la prière mentale qu’elle venait de faire augmentait encore, Rébecca reprit son poste à la fenêtre, en ayant soin pourtant de se couvrir de manière à ne pas être aperçue du dehors.

« Que vois-tu, Rébecca ? » demanda de nouveau le chevalier blessé.

« Rien qu’une nuée de flèches, tellement épaisse que mes yeux ne peuvent distinguer ceux qui les lancent.

— Ce combat ne saurait durer long-temps. S’ils ne se hâtent de s’avancer directement contre la place afin de l’emporter de vive force, les archers ne retireront pas un bien grand avantage en lançant leurs traits contre des murailles de pierres. Cherche à découvrir le chevalier au cadenas, ma bonne fille, et vois comment il se conduit ; car tel chef, tels soldats.

— Je ne l’aperçois pas.

— Lâche poltron ! quitte-t-il ainsi le gouvernail au plus fort de la tempête ?

— Non, non, il ne le quitte point ; je le vois maintenant. Il conduit un corps de troupes exactement au dessous de la barrière extérieure de la barbacane[2]. Ils arrachent les pieux et les palissades ; ils brisent les barrières à coups de hache. Je vois le long panache noir du chevalier flotter au dessus de toutes les têtes, comme un corbeau qui plane au dessus d’un champ de bataille. Ils ont fait une brèche aux barrières… ils s’y précipitent… ils sont repoussés.

  1. Ce mot, tiré du latin, dont l’équivalent est projectile, nous a semblé bon a conserver. a. m.
  2. Chaque ville ou château gothique avait au delà des murailles extérieures une fortification composée de palissades ; c’est ce que l’on appelait les barrières : elles étaient souvent le théâtre de violentes escarmouches, car il fallait nécessairement s’en rendre maître avant de pouvoir s’approcher des murailles elles-mêmes. Plusieurs des vaillants faits d’armes qui ornent les pages chevaleresques du chroniqueur Froissard eurent lieu aux barrières des places assiégées. a. m.