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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/362

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— Je suis trop vieux, Maurice, et j’ai une fille : pourrais-je l’abandonner ?

— Donne-la-moi en mariage, Fitzurse ; et, avec l’aide de Dieu et de ma lance, je lui formerai un établissement digne d’elle et de sa naissance.

— Non, non, répondit Fitzurse : je me réfugierai dans l’église de Saint-Pierre de cette ville ; l’archevêque est mon ami intime, un ami éprouvé. »

Pendant cette conversation le prince était revenu peu à peu de l’état de stupeur dans lequel l’avait jeté cette nouvelle inattendue, et avait prêté une oreille attentive aux discours de ses deux confédérés. « Ils se détachent de moi, » se dit-il en lui-même ; « ils ne tiennent pas plus à moi que la feuille desséchée ne tient à la branche qui l’a nourrie, lorsque le vent souffle sur elle. Enfer et démons ! ne puis-je trouver en moi-même quelques ressources, lorsque ces lâches m’abandonnent ! » Il réfléchit un instant ; et l’on ne saurait peindre l’expression diabolique de sa figure et de son geste au moment où, avec un rire forcé, il interrompit leur entretien en s’écriant : « Ha ! ha ! ha ! par le sourcil de Notre-Dame ! mes braves amis, je vous ai toujours connus pour des hommes sages, entreprenants, pleins de courage ; et je suis sûr que vous ne sacrifierez pas richesses, honneurs, plaisirs, tout ce que notre noble entreprise vous promettait, au moment où il ne faut qu’un coup hardi pour vous procurer tout cela.

— Je ne vous comprends pas, dit de Bracy ; dès que le retour de Richard sera connu, il se trouvera à la tête d’une armée, et alors tout est fini pour nous. Je vous conseille, mon prince, de vous retirer en France, ou de vous mettre sous la protection de la reine-mère.

— Je ne m’inquiète nullement de ma sûreté personnelle, » dit Jean avec hauteur ; « je saurai y pourvoir en disant un mot à mon frère. Mais quelque bien disposés que je vous voie, vous, de Bracy, et vous, Waldemar Fitzurse, à m’abandonner si promptement, je ne verrais pas avec beaucoup de plaisir vos têtes exposées au dessus de la porte de Clifford, dans cette ville d’York. Penses-tu, Waldemar, que le rusé archevêque ne te laisserait pas arracher du sanctuaire même, s’il pouvait à ce prix faire sa paix avec Richard ? Et toi de Bracy, oublies-tu que Robert d’Estouteville, avec toutes ses forces, intercepte la route de Hull, et que le comte d’Essex met sur pied tous ses vassaux ? Si nous avions quelque raison de crain-