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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/378

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deuxième de nos statuts De lectione litterarum[1], qu’un templier ne doit recevoir aucune lettre, fût-ce même de son père, sans en donner communication au grand-maître et en prendre lecture en sa présence ? »

Pendant qu’il la parcourait à la hâte, son visage exprimait la surprise et l’horreur ; il la relut ensuite plus lentement, puis la présentant d’une main à Conrad, et la frappant légèrement de l’autre, « Voilà, s’écria-t-il, une épître d’un joli style, pour avoir été écrite par un chrétien à un chrétien, surtout lorsque tous deux sont des membres distingués de corporations religieuses ! Ô Dieu ! » continua-t-il en levant les yeux au ciel, « quand viendras-tu séparer l’ivraie du bon grain ? »

Montfichet prit la lettre des mains de son supérieur, et se mettait en devoir de la parcourir. « Lis-la tout haut, Conrad, dit le grand-maître ; et toi, » s’adressant à Isaac, « sois bien attentif à son contenu, car nous aurons des questions à te faire à ce sujet. » Conrad lut la lettre, qui était conçue dans les termes suivants :

« Aymer, par la grâce de Dieu, prieur du couvent de l’ordre de Cîteaux, sous l’invocation de Sainte-Marie de Jorvaulx, à sire Brian de Bois-Guilbert, chevalier du saint ordre du Temple, souhaite santé, accompagnée de tous les dons et faveurs de Bacchus et de Vénus ! Quant à nous, cher frère, nous sommes en ce moment captif entre les mains d’hommes sans loi ni religion, qui ont osé détenir notre personne et la mettre à rançon, et de qui j’ai appris tout à la fois le funeste destin de Front-de-Bœuf, et que tu t’es échappé avec la belle juive dont les yeux noirs t’ont ensorcelé. Nous nous réjouissons de bon cœur de te savoir sain et sauf ; néanmoins, je te conjure de te tenir en garde contre cette nouvelle sorcière d’Endor ; car nous sommes secrètement assurés que votre grand-maître, qui ne donnerait pas un fétu de toutes les joues fraîches et de tous les yeux noirs du monde, arrive de Normandie afin de mettre des bornes à votre vie joyeuse et vous ramener aux rigueurs de la règle. Je t’en donne avis, et te recommande avec instance d’y avoir égard, afin que tu sois trouvé veillant, comme il est écrit dans le saint texte : Inveniantur vigilantes. Son père, le riche juif Isaac d’York, m’ayant demandé une lettre en sa faveur, je lui ai donné celle-ci, et te conseille bien sérieusement d’accepter la rançon qu’il doit t’offrir pour la demoiselle ; car il peut te donner de quoi en trouver cinquante autres avec moins de risque ; et j’es-

  1. De la lecture des lettres. a. m.