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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/408

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Chacun garda le silence, car personne n’osait, en présence du grand-maître, montrer le plus léger intérêt à une juive qui venait d’être condamnée, de crainte de se rendre suspect de favoriser le judaïsme : céder à l’espoir d’une récompense paraissait à tous non moins dangereux que de laisser paraître un sentiment de compassion désintéressée. Rébecca resta quelques instants dans un état d’anxiété qu’il serait impossible de décrire. « Pourra-t-on croire, s’écria-t-elle, pourra-t-on croire que c’est en Angleterre que je me trouve privée de la seule espérance de salut qui me reste, faute d’un acte de charité qu’on ne refuserait pas au dernier des criminels !

— Je ne suis qu’un pauvre infirme, » s’écria alors Higg, fils de Snell ; « mais si je remue les jambes, si je me traîne un peu, c’est à elle que je le dois… Je ferai ta commission, ajouta-t-il, aussi vite qu’il me sera possible de marcher ; et plût à Dieu que la légèreté de mes pieds pût réparer le mal qu’a fait la légèreté de ma langue ! Hélas ! lorsque je portais témoignage en faveur de ta charité, j’étais loin de croire que je mettais ta vie en danger.

— Dieu dispose de tout ici-bas, dit Rébecca. Il peut se servir du plus faible instrument pour délivrer Juda des fers de la captivité ! Pour porter ses ordres, le limaçon est un messager aussi sûr que le faucon. » Alors un chapelain, par l’ordre du grand-maître, lui ayant donné un morceau de parchemin, elle y écrivit à la hâte quelques mots en hébreu, et le présentant à Higg, elle lui dit : « Cherche Isaac d’York ; voici de quoi payer tes frais de voyage et la location d’un cheval. Remets-lui ce billet. Je ne sais si c’est du ciel que me vient cet espoir, mais j’ai un pressentiment que j’échapperai à la mort que l’on me destine ici : oui, Dieu me suscitera un défenseur… Adieu ! n’oublie pas que mon sort dépend de ta diligence. »

Plusieurs des assistants voulaient dissuader Higg de toucher à un objet aussi suspect que ce billet écrit par une sorcière juive, mais il était résolu à servir sa bienfaitrice. « Elle a guéri mon corps, leur répondait-il, et je ne peux croire qu’elle ait le dessein de mettre mon âme en péril… Je vais, » se dit-il en sortant de la salle, « emprunter le bon cheval de mon voisin Buthan, et je serai à York en aussi peu de temps qu’il sera possible à une pareille monture. »

Mais, par un heureux hasard, il fut dispensé d’aller si loin : à environ un quart de mille de la préceptorerie, il rencontra deux cavaliers qu’à leur costume et à leurs gros bonnets jaunes il reconnut pour des juifs ; et lorsqu’il s’en fut approché, il vit que l’un d’eux