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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/446

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dont pourraient me tirer ma lance et mon épée, quoique secondées par l’arc du brave Robin, le gourdin du frère Tuck et le cor du sage Wamba. »

Wilfrid s’inclina d’un air respectueux, car il savait combien peu il lui eût été utile de combattre l’esprit chevaleresque qui portait souvent son maître à s’exposer à des dangers qu’il aurait aisément évités, ou plutôt qu’il lui était impardonnable de chercher. Il soupira et se tut, tandis que Richard, s’applaudissant d’avoir imposé silence à son conseiller, quoiqu’au fond du cœur il sentît la justesse de ses observations, reprit sa conversation avec Robin Hood.

« Roi des outlaws, lui dit-il, n’auriez-vous pas quelques rafraîchissements à offrir à votre confrère en royauté ? Les scélérats dont les cadavres sont étendus à nos pieds m’ont fait prendre de l’exercice, et cela ouvre l’appétit.

— En toute vérité, car j’aurais garde de mentir à mon souverain, la plus grande partie de nos provisions consiste en… »

Il s’arrêta avec quelque embarras.

« En venaison, n’est-ce pas[1] ? dit gaîment Richard. Bien ! bien ! c’est tout ce que je pouvais désirer de mieux : car quand un roi ne veut ni se tenir chez lui, ni prendre la peine de tuer lui-même son gibier, il me semble qu’il ne doit pas se fâcher s’il le trouve tué d’avance.

— Si donc Votre Majesté daigne encore honorer de sa présence un des lieux de rendez-vous de Robin Hood, la venaison ne lui manquera pas, non plus que l’ale, et peut-être bien pourra-t-elle l’arroser avec un vin passable. »

Il se mit en marche, suivi du joyeux monarque, qui éprouvait peut-être, dans cette rencontre fortuite avec Robin Hood et ses compagnons, une satisfaction plus vive que si, dans tout l’éclat de la majesté royale, il se fût vu entouré du cercle brillant de ses pairs et de ses nobles vassaux. Tout ce qui était nouveau, soit en fait d’hommes, soit en fait d’aventures, était un bonheur pour Richard, et il n’était jamais d’humeur plus joyeuse que lorsqu’il sortait triomphant d’un danger subit et imprévu. Ce roi à cœur de lion réalisait le caractère brillant, mais sans utilité réelle, d’un vrai chevalier de roman ; la gloire personnelle qu’il acquérait par ses faits d’armes était plus précieuse à son imagination exaltée que celle d’homme d’état, que la politique et la prudence lui eussent value s’il s’était occupe davantage des soins du gouvernement : aussi son

  1. Richard Cœur-de-Lion était d’une grande sévérité envers les braconniers. a. m.