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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/489

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Un tremblement involontaire se faisait sentir dans la voix de Rébecca ; il s’y joignait même une expression de tendresse qui en disait peut-être plus qu’elle ne voulait en faire entendre. Elle se hâta de prendre congé de la princesse.

« Adieu, lui dit-elle ; puisse le père commun des juifs et des chrétiens répandre sur vous ses plus saintes bénédictions ! Je crains que le navire sur lequel nous devons partir ne lève l’ancre avant que nous puissions arriver au port. »

Elle sortit de l’appartement, laissant la belle Saxonne aussi étonnée que si elle avait eu une vision, que si une ombre avait passé devant ses yeux. Lady Rowena fit part de ce singulier entretien à son époux, sur qui il produisit une vive impression.

Wilfrid d’Ivanhoe et lady Rowena passèrent ensemble une vie longue et heureuse, car ils étaient unis par une tendre affection, qui s’augmenta encore avec les années et prit une nouvelle force par le souvenir des obstacles qu’ils avaient eus à surmonter. Cependant ce serait porter trop loin la curiosité, que de demander si le souvenir de la beauté et des généreux soins de Rébecca s’offrit plus fréquemment à la pensée de son époux que la noble descendante d’Alfred ne l’aurait désiré.

Wilfrid se distingua au service de Richard, et fut comblé de ses faveurs. Il se serait probablement élevé plus haut si l’héroïque monarque n’eût reçu une mort prématurée devant le château de Chalus, près de Limoges. Avec ce prince généreux, mais téméraire et romanesque, s’évanouirent tous les projets que son ambition avait conçus ; et on peut lui appliquer, avec un léger changement, ce que Johnson a dit de Charles XII : « Son sort fut d’aller se faire tuer par une main vulgaire au pied d’une petite forteresse en pays étranger, laissant un nom qui, après avoir fait trembler le monde, ne sert plus qu’à donner une haute leçon de morale ou à orner un roman. »


fin d’ivanohe.



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