Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Qu’il en soit ainsi, reprit le pèlerin, nous allons donc à Sheffield, et une demi-heure de marche nous suffira avec nos chevaux pour nous trouver en vue de cette ville. »

La demi-heure s’écoula dans un silence absolu de part et d’autre, le pèlerin dédaignant peut-être d’adresser la parole au Juif, excepté en cas de nécessité réelle, et le Juif n’osant pas ouvrir de conversation avec un homme dont le voyage à la Terre-Sainte imprimait à son caractère une sorte de sainteté. Ils s’arrêtèrent sur un lieu élevé, et le pèlerin, apercevant la ville de Sheffield, placée sous leurs yeux, répéta les mots : « Ici nous devons nous séparer.

— Non pas avant que vous ayez reçu les remercîments du pauvre juif, dit Isaac ; car je n’ose pas vous proposer de venir avec moi chez mon parent Zareth qui pourrait me procurer les moyens de reconnaître vos bons offices.

— Je t’ai déjà dit, reprit le pèlerin, ne vouloir pas de récompense. Si, parmi le grand nombre de tes débiteurs, tu veux épargner, pour l’amour de moi, le supplice des fers et de la prison, surtout si c’est un malheureux chrétien mis à ta discrétion, je regarderai cette générosité de ta part comme une ample récompense du léger service que je viens de te rendre.

— Attendez, attendez, s’écria le Juif en retenant le pèlerin par son manteau ; je voudrais faire quelque chose de plus que cela, quelque chose pour vous-même. Dieu sait que le Juif est pauvre ; oui, Isaac n’est qu’un mendiant de sa tribu ; mais pardonnez-moi si je devine ce que vous souhaitez le plus en ce moment.

— Si tu le devinais réellement, répondit le pèlerin, tu ne pourrais me le donner, quand même tu serais aussi riche que tu dis être pauvre.

— Comme je le dis, répéta le Juif. Hélas ! croyez-le, je ne dis que la vérité ; je suis un homme volé, endetté, misérable ; des mains cruelles m’ont dépouillé de mes marchandises, de mon argent, de mes navires et de tout ce que je possédais ; je puis cependant vous dire ce que vous désirez, et peut-être vous le procurer aussi : c’est un bon cheval et une armure. «

Le pèlerin tressaillit, et se tournant brusquement vers le Juif : « Quel démon, dit-il, t’a inspiré cette conjecture ?

— Qu’importe ? répondit le Juif en souriant, si c’est une vérité ; et si j’ai deviné vos désirs, je puis également les satisfaire.

— Mais considère, dit le pèlerin, mon caractère, mon costume, mes vœux.