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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/13

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qu’elle entendait lui rappelaient des jours passés où son occupation la plus importante et son plus grand plaisir étaient d’aider la dame Glendinning et Tibb Tacket à traire les vaches à Glendearg : cette pensée la remplissait de mélancolie.

« Pourquoi, disait-elle, n’étais-je pas ce que je paraissais à tous les yeux, une fille de paysans ? Halbert et moi, nous eussions vécu paisibles dans la vallée qui l’a vu naître, sans être tourmentés par la crainte ou l’ambition. Son plus grand orgueil eût été de conduire le plus beau troupeau : ses plus grands dangers, de repousser quelques maraudeurs des frontières ; la plus grande distance qui nous eût jamais séparés, celle qu’il aurait parcourue à la chasse du daim. Mais, hélas ! de quoi nous sert le sang qu’Halbert a versé dans les combats pour l’honneur d’un nom et d’un rang qui lui sont chers, parce qu’il les a reçus de moi, mais que nous ne transmettrons jamais à notre postérité ? Avec moi doit s’éteindre le nom d’Avenel. »

Ces réflexions lui arrachaient des soupirs, quand, regardant vers le bord du lac, ses yeux se fixèrent sur un groupe d’enfants de différents âges, assemblés pour voir un petit vaisseau, construit par quelque artiste du village, tenter son premier voyage sur les eaux. Il fut lancé au milieu des cris aigus de joie et des battements de toutes les petites mains, et partit bravement, poussé par un vent favorable qui promettait de le porter promptement de l’autre côté du lac. Quelques enfants des plus âgés firent le tour en courant, pour le recevoir sur l’autre rive ; ils luttaient d’agilité et de promptitude, et bondissaient comme de jeunes faons le long des rives glissantes et graveleuses du lac. Les autres, pour qui un tel voyage paraissait trop pénible, restèrent à contempler les mouvements du beau navire, du point où il avait été lancé. La vue des jeux de ces enfans oppressa le cœur de lady Avenel en lui rappelant qu’elle n’était pas mère.

« Pourquoi, » dit-elle, continuant ses méditations mélancoliques, « pourquoi aucun de ces aimables enfants n’est-il à moi ? Leurs parents peuvent à peine leur procurer la plus grossière nourriture ; et moi, qui pourrais les élever dans l’abondance, je suis condamnée à n’entendre jamais un enfant m’appeler sa mère ! »

Cette pensée remplit son cœur d’une amertume qui ressemblait à de l’envie : tant la nature a profondément implanté dans le cœur d’une femme le désir de la maternité ! Elle joignit ses mains et les