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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/131

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adresse et en agilité, s’avançait un autre personnage jouant le rôle d’un terrible et énorme dragon, avec des ailes dorées, une gueule ouverte et une langue fourchue : il faisait de grands efforts pour saisir et dévorer un jeune garçon qui, habillé comme l’aimable Sabéa, fille du roi d’Égypte, fuyait devant lui ; tandis qu’un martial Saint-George, grotesquement armé d’une casserole en guise de casque et d’une broche pour lance, intervenait de temps en temps, et forçait le monstre à lâcher sa proie. Un ours, un loup et deux ou trois autres animaux sauvages, jouaient leurs rôles avec la discrétion de Snug le menuisier[1] ; car la préférence décidée qu’ils montraient à se servir de leurs jambes de derrière suffisait, sans aller plus loin, pour convaincre les spectateurs les plus timides qu’ils n’avaient affaire qu’à des bêtes marchant d’ordinaire sur deux pieds. Il y avait aussi un groupe d’outlaws, avec Robin Hood et Little John à leur tête ; ces derniers rôles étaient joués avec beaucoup de naturel ; et ce n’était pas chose étonnante, puisque la plupart des acteurs étaient, par profession, les bannis et les voleurs qu’ils représentaient. Venaient ensuite d’autres masques dont les déguisements étaient moins remarquables. Des hommes étaient habillés en femmes, et des femmes en hommes ; des enfants portaient des vêtements de vieillards, et s’en allaient clopin-clopant, des béquilles à la main, des robes fourrées sur le dos, des bonnets sur la tête, tandis que des vieillards avaient pris un ton enfantin, aussi bien que des habillements d’enfants. D’autres s’étaient peint la figure, et avaient mis leur chemise par dessus leurs habits. Du papier de couleur ou de simples rubans faisaient tout le déguisement de quelques autres. Enfin, ceux qui n’avaient aucune de ces jolies choses s’étaient barbouillé le visage de noir, et portaient leurs habits tournés à l’envers. En somme, au moyen de tous ces déguisements grotesques, la multitude formait une mascarade complète.

Pendant la halte que firent les masques, pour attendre sans doute quelque personnage qui avait une plus grande autorité sur eux, l’abbé, ses moines et nos deux voyageurs qui se trouvaient dans l’église eurent tout le temps nécessaire pour voir ces absurdités. Il ne leur fut pas difficile de deviner ce que c’était.

Peu de lecteurs doivent ignorer qu’à une époque reculée et durant la plénitude de son pouvoir, l’Église de Rome non seulement

  1. Personnage du Songe d’une nuit d’été de Shakspeare.