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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/18

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une mesure dans nos affections, même les plus louables, quand nous ne les portons que sur des objets sublunaires et terrestres. Nous devons donc accorder à notre prochain, quels que soient son rang et sa position dans l’ordre social, la même somme d’affection que nous demanderions à ceux qui sont par rapport à nous ce que nous sommes pour lui. De là suit que ni mari, ni femme, ni fils, ni fille, ni ami, ni parent, ne doivent être pour nous un objet d’idolâtrie. Le Seigneur notre Dieu est un Dieu jaloux, qui ne souffre pas que nous accordions à des créatures cet amour extrême que nous ne devons qu’à lui, notre créateur. Je vous répète donc, madame, que, même dans nos attachements de la nature la plus pure et la plus honorable, on retrouve cette tache du péché originel qui devrait nous faire hésiter et réfléchir avant de nous y abandonner tout entiers.

— Je ne vous comprends pas, mon père, reprit la dame, et je ne saurais deviner rien, dans ce que je viens de dire ou de faire, qui puisse m’avoir attiré cet avertissement, ou plutôt ce reproche.

— Milady, je vous demande pardon, dit le prédicateur, si j’ai dépassé les bornes de mon devoir. Mais voyez si en vous engageant à servir à cet enfant non seulement de protectrice, mais encore de mère, vous vous trouverez d’accord avec la volonté du chevalier votre noble époux. L’affection que vous avez témoignée pour ce malheureux enfant, tout aimable qu’il soit, vous a déjà valu un reproche du chien de la maison. Les hommes, aussi bien que les animaux, sont jaloux des affections des personnes qu’ils aiment.

— C’en est trop, mon révérend, » s’écria lady Avenel, sérieusement offensée. « Vous avez été long-temps notre hôte, vous avez reçu du chevalier d’Avenel et de moi tous les honneurs et tout le respect dus à votre profession et à votre mérite personnel, mais je ne sache pas que je vous aie à aucune époque autorisé à vous immiscer dans nos arrangements de famille, ou choisi comme juge de notre conduite l’un envers l’autre. Je vous prie de vous dispenser de prendre tant de peine à l’avenir.

— Milady, » répliqua le ministre avec la hardiesse habituelle, à cette époque, aux ecclésiastiques de la communion réformée, « quand mes avis commenceront à vous fatiguer, quand je verrai que mes services ne vous seront plus agréables non plus qu’à votre noble époux, quand je sentirai que mon Maître ne désire pas que je demeure plus long-temps ici, tout en priant le ciel de