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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/255

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et rattachement. Je me hasarderai donc à vous dire qu’il y a d’autres moyens qu’un jugement public pour ôter la vie à un souverain déposé ; et comme dit Machiavel, il n’y a qu’un pas entre la prison et le tombeau d’un roi.

— Oh ! s’écria l’infortunée princesse, si la mort était douce et facile pour le corps, si ce n’était pour l’âme qu’un changement heureux et salutaire, il n’existe pas une femme qui puisse s’y résoudre plus vite que moi ! Mais, hélas ! Melville, lorsque nous pensons à la mort, mille péchés, que nous avons foulés aux pieds comme des vers de terre, se lèvent contre nous comme des serpents de feu. Certes, ils me font injure en m’accusant d’avoir aidé à l’assassinat de Darnley : et cependant, sainte Vierge ! je n’ai que trop donné matière au soupçon, j’ai épousé Bothwell.

— Ne pensez point à cela maintenant, madame, dit Melville : ne songez qu’au moyen présent de vous sauver vous et votre fils. Acquiescez à leurs demandes injustes, et croyez que de meilleurs temps arriveront bientôt.

— Madame, ajouta Roland Græme, si vous approuvez mon dessein, je vais traverser le lac à la nage, car sans doute on me refusera de me transporter sur le rivage ; je me rendrai successivement dans les cours d’Angleterre, de France et d’Espagne ; je montrerai que vous n’avez signé ces actes si vils que par la crainte de la mort, et je combattrai ceux qui soutiendront le contraire. »

La reine se tourna vers le jeune homme, et avec un de ces doux sourires qui, durant l’époque du roman de la vie, paient bien tous les dangers, elle lui tendit la main sans lui dire un mot. Roland se mit à genoux avec respect et la baisa, et Melville continua son discours.

« Madame, le temps presse, et vous ne devez pas laisser partir ces barques que je vois prêtes à traverser le lac. Il ne manque pas de témoins ici, vos dames, ce jeune homme courageux, moi-même, lorsque je pourrai servir efficacement votre cause, car je ne voudrais pas être compromis inopportunément dans cette affaire. Mais sans moi-même, il est assez prouvé que vous avez cédé aux demandes du conseil par la force et la crainte, et non par un assentiment sincère et libre. Les barques appareillent pour partir. Oh ! permettez à votre vieux serviteur de les rappeler.

— Melville, dit la reine, tu es un ancien courtisan : connais-tu un souverain qui ait rappelé en sa présence des sujets qui l’avaient quitté en lui proposant des conditions pareilles à celles que ces