Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sub umbra vitis suæ. Et c’est ce que je ferais, d’après le précepte de l’Écriture sainte, si j’étais, comme vous me le dites, sage ou bon. Mais tel que je suis, ma tête est dans le licou, et vous faites peser sur moi le poids que vous voulez. Suivez-moi, jeune homme. Ce révérend père qui, avec son habit de Jockey, a l’air presque aussi révérend que moi, conviendra du moins d’une chose, c’est qu’il y a assez long-temps que vous êtes ici.

— Suivez le bon père, Roland, dit l’abbé, et souvenez-vous de mes paroles. Un jour approche qui éprouvera le cœur de tous les vrais Écossais. Puisse le vôtre se montrer fidèle comme l’acier de votre épée ! »

Le page s’inclina en silence, et ils se séparèrent. Le jardinier, malgré son âge avancé, marchait bon pas, murmurant à demi-voix en s’adressant tantôt à lui-même, tantôt à son compagnon, comme tous les vieillards dont l’intelligence est affaiblie. « Quand j’étais dans la grandeur, disait-il, et que j’avais à mes ordres ma mule, et mon palefroi accoutumé à l’amble, je vous garantis qu’il m’aurait été aussi impossible de voler en l’air que de marcher à ce pas. J’avais la goutte, le rhumatisme et cent autres choses semblables qui me liaient les jambes. Mais maintenant, grâce à Notre-Dame et à un travail honnête, je suis en état de suivre le plus hardi piéton de mon âge qui se trouve dans le comté de Fife ; je regrette que l’expérience nous vienne si tard. »

Tout en murmurant ainsi, ses yeux se portèrent sur la branche d’un poirier qui pendait faute d’étai ; et oubliant tout à coup son empressement, le vieillard s’arrêta et se prépara sérieusement à le lier. Roland Græme était prompt, adroit et plein de bonne volonté ; il prêta aussitôt son aide, et en une ou deux minutes la branche fut étayée et attachée, à la satisfaction du vieillard qui le considérait avec complaisance.

« Ce sont des bergamotes, dit-il, et si vous voulez venir sur ce rivage en automne, vous en goûterez. On ne trouve pas leurs pareilles dans le château de Lochleven. Le jardin, là, est un pauvre trou à vers ; et le jardinier, Hugues Houkham, ne connaît guère son état. Ainsi, venez sur cette rive, en automne, maître page, quand vous voudrez manger des poires. Mais à quoi pensé-je ? avant que ce temps soit venu, les poires qu’ils pourront bien t’avoir données seront des poires d’angoisse. Suivez le conseil d’un vieillard, jeune homme ; il a vu passer bien des jours, et il a occupé des places plus hautes que celles que vous avez droit d’attendre.