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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/331

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donc, pour ainsi dire, traîné vers le bateau, et obligé de se remettre en route pour retourner au château de Lochleven.

Le petit voyage se fit promptement, et le page fut reçu à l’endroit de débarcation par la salutation sévère et caustique du vieux Dryfesdale. « Ainsi, mon galant, vous voilà enfin arrivé après un retard de six heures et deux signaux du château. Mais je réponds que quelque bombance vous a trop occupé pour que vous pensassiez à votre service ou à votre devoir. Où est la note de la vaisselle et des meubles… Fasse le ciel que rien n’ait disparu entre les mains d’un jeune et étourdi coureur comme vous !

— Disparu entre mes mains, sir intendant ? » reprit le page avec colère ; « dites-le sérieusement, et de par le ciel vos cheveux gris protégeront mal votre langue insolente !

— Trêve de vos bravades, jeune écuyer, répliqua l’intendant ; nous avons des verrous et des cachots pour les tapageurs. Va auprès de milady, et fais le fanfaron devant elle, si tu l’oses. Elle te donnera sujet de t’offenser, car il y a long-temps qu’elle t’attend avec impatience.

— Et où donc est la dame de Lochleven ? dit le page ; car je pense que c’est d’elle que tu veux parler.

— Et de qui donc ? reprit Dryfesdale. Hors la dame de Lochleven, qui donc a le droit de commander dans ce château.

— La dame de Lochleven est ta maîtresse, répondit Roland Græme ; mais la mienne est la reine d’Écosse. »

L’intendant le considéra un instant d’un air où le soupçon et la haine étaient mal cachés par une affectation de mépris. « Le jeune coq fanfaron, dit-il, se trahit par son chant précoce. J’ai remarqué le changement de tes manières dans la chapelle dernièrement… oui… et tes œillades pendant le repas avec une certaine paresseuse de demoiselle, qui, ainsi que toi, rit de tout ce qui est saint et sérieux. Il y a quelque chose en toi, maître page, sur quoi il est bon d’avoir l’œil. Mais veux-tu savoir si c’est la dame de Lochleven ou cette autre lady qui a droit de te donner des ordres ? va, tu les trouveras ensemble dans l’antichambre de lady Marie. »

Roland se hâta de se rendre à cet appartement ; il n’était pas fâché d’échapper à la pénétration malicieuse du vieillard, et il se demandait en même temps pourquoi la dame de Lochleven était dans l’appartement de la reine, à cette heure de l’après-midi, ce qui était contraire à son habitude. Sa perspicacité lui en fit aussitôt donner le motif. « Elle désire, pensa-t-il, voir comment je serai