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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/362

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— Je vous ai entendu insulter, milady ; je vous ai entendue demander vengeance, je vous l’ai promise, et je vous en apporte les nouvelles.

— Dryfesdale, j’espère que tu rêves.

— Je ne rêve pas ; ce qui a été écrit de moi un million d’années avant ma naissance doit s’accomplir. Elle porte déjà dans ses veines ce qui, je crois, arrêtera bientôt en elle les sources de la vie.

— Vil scélérat ! tu ne l’as point empoisonnée ?

— Et si je l’ai fait, qu’en résultera-t-il ? On empoisonne bien la vermine, pourquoi ne se débarrasserait-on pas aussi de ses ennemis ? En Italie, cela se fait moyennant une crusade.

— Lâche brigand ! retire-toi de ma vue.

— Reconnaissez mieux mon zèle, milady, et ne jugez pas sans regarder autour de vous ; Lindesay, Ruthven et votre parent Morton poignardèrent Rizzio, et vous ne voyez pas de sang sur leur broderie. Le lord Semple assassina le lord de Sanquhar, sa toque a-t-elle moins bonne grâce sur son front ? Quel est le noble en Écosse qui n’a pas eu sa part, par politique ou par vengeance, dans de semblables affaires ; et qui lui en fait un reproche ? Ne vous laissez pas abuser sur les mots. Le poison ou un poignard produisent le même effet et différent peu l’un de l’autre. Une fiole de verre renferme l’un et un étui de cuir contient l’autre ; l’un agit sur le cerveau, l’autre épanche le sang. Cependant je ne dis pas que j’aie donné quelque chose à cette dame.

— Que veux-tu dire avec ton bavardage ? si tu désires sauver ton cou de la corde qu’il mérite, déclare-moi toute la vérité. Il y a long-temps qu’on te connaît pour un homme dangereux.

— Oui, au service de mon maître, je puis être aussi froid et aussi tranchant que mon sabre. Sachez donc que la dernière fois que j’allai sur la rive, je consultai une vieille femme adroite et puissante, qu’on appelle Nicneven, et dont tout le pays parle depuis quelque temps. Des sots lui demandaient des charmes pour se faire aimer ; des avares, le moyen d’augmenter leur trésor ; les uns désiraient connaître l’avenir, souhait inutile, puisqu’on ne peut rien y changer ; d’autres voulaient l’explication du passé, encore plus inutile, puisqu’on ne peut y revenir. J’entendis ces prières avec mépris et je demandai les moyens de me venger d’un ennemi mortel, car je devenais vieux et je ne pouvais plus me fier à ma lame de Bilbao. Elle me donna un paquet. Mêle cela, dit-elle avec un liquide quelconque, et ta vengeance sera complète.