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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/385

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coup, et je souffre ce que je leur ai vu souffrir. Il était ordonné que tout se passerait ainsi et non autrement ; mais si tu veux agir honnêtement avec moi, tu enverras ce paquet d’une manière sûre à sir William Douglas, et ne permettras pas que ma mémoire soit ternie, comme si j’avais retardé mon message par crainte pour ma vie. »

Le jeune homme, dont la colère s’était évanouie à l’instant où il avait commis l’action, écoutait avec pitié et attention, lorsqu’une autre personne enveloppée de son manteau entra dans l’appartement, et s’écria : « Grand Dieu ! Dryfesdale expirant !

— Oui ; et Dryfesdale voudrait être mort, répondit le blessé, plutôt que d’entendre la voix du seul Douglas qui ait jamais été traître. Cependant tout est bien comme il est. Seulement, mon brave meurtrier, et vous tous, retirez-vous un peu, et permettez que je dise quelques mots à ce malheureux apostat. Agenouillez-vous près de moi, maître George. Vous avez appris sans doute comment l’espoir que j’avais de nous débarrasser de cette pierre d’achoppement moabite[1] et de sa suite été fatalement trompé. Je leur ai donné ce qu’il fallait, selon moi, pour écarter de votre chemin une grande tentation, maître George : et ceci, quoique j’aie d’autres raisons à donner à votre mère, je le faisais principalement par amour pour vous.

— Par amour pour moi ! odieux empoisonneur ! aurais-tu pu commettre ce meurtre abominable et si peu mérité, et en même temps prononcer mon nom ?

— Et pourquoi non ? George Douglas, répondit Dryfesdale. À peine puis-je maintenant respirer, mais j’emploierai jusqu’à mon dernier soupir à vous prouver que vous avez tort. N’avez-vous pas perdu le respect filial, la foi protestante, la fidélité politique, en vous laissant séduire par les attraits de cette belle enchanteresse que vous vouliez aider à fuir de sa prison, pour remonter sur le trône dont elle avait fait un lieu d’abomination ? Attendez, ne vous éloignez pas de moi ; ma main, quoique défaillante, a encore assez de force pour vous retenir. Quel était votre but ? d’épouser cette sorcière d’Écosse ; et je pense bien que vous auriez pu réussir, son cœur et sa main ont souvent été achetés à un prix moins élevé. Mais un serviteur de la maison de votre père pouvait-il vous voir subir le même sort que l’idiot Damley, ou l’infâme Bothwell, lorsqu’une once de mort-aux-rats pouvait nous sauver ?

  1. Tournure biblique pour exprimer une personne d’une autre croyance.