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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/425

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clavage l’héritière de nos rois ; moi, qui n’épargnai pas le dernier espoir d’une noble maison dans cette grande tentative ; moi, enfin, je savais et je conseillais. Or, quelque mérite que puisse être le mien, souffrez, noble reine, que la récompense en soit donnée à ce jeune homme. Ici mon ministère est fini : vous êtes libre, princesse souveraine, à la tête d’une brave armée, entourée de vaillants barons ; mes services ne peuvent s’étendre plus loin. Votre fortune maintenant repose sur le courage et l’épée des hommes. Puissent-ils prouver qu’ils sont aussi fidèles que des femmes !

— Vous ne me quitterez pas, ma mère ! vous dont les démarches en notre faveur ont été si puissantes ; vous qui avez affronté pour nous tant de dangers ; qui vous êtes revêtue de tant de déguisements pour tromper nos ennemis et raffermir le courage de nos amis ; vous ne nous quitterez pas à l’aurore de notre fortune naissante, avant que nous ayons le temps de vous connaître et de vous remercier.

— Vous ne pouvez connaître celle qui ne se connaît pas elle-même, répondit Madeleine Græme. Il y a des temps où, dans ce corps de femme, se trouve la force du vainqueur de Gaza ; dans cet esprit fatigué, la sagesse du plus prudent conseiller. Et ensuite un brouillard m’environne : ma force devient faiblesse et ma sagesse folie. J’ai parlé devant des princes et des cardinaux ; oui, noble princesse ! même devant des princes de ta propre maison de Lorraine ; et je ne sais d’où me vinrent les paroles persuasives qui sortirent de ma bouche et furent goûtées par leurs oreilles. Et maintenant que j’ai encore plus besoin de semblables paroles, il y a quelque chose qui arrête ma voix et m’empêche de parler.

— Si j’ai le pouvoir de faire quelque chose qui puisse vous plaire, dit la reine, il suffit de le dire simplement : vous n’avez pas besoin d’éloquence.

— Souveraine dame ! répliqua l’enthousiaste, j’ai honte que dans ce moment quelque chose de l’humaine fragilité puisse s’attacher à une personne dont les saints ont exaucé les vœux, et dont le ciel a fait prospérer les efforts en faveur de la cause légitime. Mais il en sera toujours ainsi tant que l’esprit immortel sera entouré de cette fange terrestre. Je céderai à cette folie, » ajouta-t-elle en versant des larmes, « et ce sera la dernière. » Alors saisissant la main de Roland, elle le conduisit aux pieds de la reine, et, mettant elle-même un genou en terre, força Roland