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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/91

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lèvres ! « et tu as quitté si promptement ta couche pour saisir le premier rayon de l’aurore ? mais ce n’est pas bien, mon Roland ; jouis du sommeil tandis que tu le peux : le temps n’est pas éloigné où il faudra que ton œil veille, ainsi que le mien. »

Elle prononça encore ces mots d’un ton doucement inquiet, qui prouvait que, si les exercices habituels de son esprit étaient des sujets de dévotion, ses pensées pour son nourrisson la liaient encore à la terre par les nœuds d’une affection humaine.

Mais elle ne s’abandonna pas long-temps à des sentiments qu’elle considérait probablement comme une renonciation momentanée à une plus haute vocation. « Allons, dit-elle, jeune homme, lève-toi et marche ; il est temps que nous quittions ce lieu.

— Et où allons-nous ? répliqua le jeune homme. Quel est l’objet de notre voyage ? »

La matrone recula, et le regarda fixement avec une surprise mêlée de déplaisir.

« Pourquoi cette question ? dit-elle, ne suffit-il pas que j’indique le chemin ? as-tu assez vécu avec les hérétiques pour apprendre à substituer la vanité de ton propre jugement au respect et à l’obéissance que réclament tes supérieurs ? »

« Le moment est arrivé, pensa Roland Græme, où il faut que j’établisse ma liberté, ou que je devienne volontairement esclave à jamais ; il n’y a pas une minute à perdre. »

Madeleine confirma aussitôt ses craintes, en revenant sur le sujet qui occupait constamment son esprit, quoique personne ne sût mieux, quand il le fallait, déguiser sa religion.

« Et ton chapelet, mon fils ; as-tu dit ton chapelet ? »

Roland Græme rougit, il sentit que l’orage approchait : mais il lui répugnait de l’éloigner par un mensonge.

« J’ai oublié mon rosaire au château d’Avenel.

— Oublié ton rosaire ! s’écria-t-elle ; infidèle à ta religion et à la nature, as-tu perdu ce qu’on t’a envoyé de si loin, et avec tant de danger, un gage de l’amour le plus vrai, dont chaque grain aurait dû être aussi précieux peur toi que la prunelle de tes yeux ?

— Je regrette qu’il en soit arrivé ainsi, ma mère, répliqua le jeune homme, et j’y attachais la plus grande valeur en ce qu’il venait de vous. Quant au reste, j’espère gagner assez d’or, en faisant mon chemin dans le monde, et jusque là un chapelet d’ébène ou de noisettes enfilées fera le même effet.

— L’entendez-vous ? dit la grand’mère : tout jeune qu’il est, il a