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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/122

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neaux, à mesurer ses doses, à composer ses drogues, à tracer ses cercles, à cajoler ses dupes, et sic de cœteris[1]. Eh bien donc, mon digne monsieur, après que le docteur eut disparu d’une manière si étrange, ce qui frappa de terreur tout le pays, son pauvre paillasse se dit à lui-même ce que Maro[2] a exprimé en ces mots :

Uno avulso non deficit alter[3].


et de même que l’apprenti d’un marchand s’établit dans la boutique de son maître quand celui-ci est mort ou qu’il s’est retiré des affaires, Wayland prit le dangereux commerce de son maître. Mais quoique le monde soit toujours disposé à écouter ces misérables qui, bien qu’ils usurpent le titre de docteur en médecine et qu’ils en affichent la science, ne sont en réalité que des saltinibanqui et charlatani, les ruses de ce pauvre paillasse de Wayland étaient par trop grossières, et il n’y eut pas un rustre, un villageois qui ne fût disposé à le saluer, dans son langage vulgaire, avec la sentence de Persius :

Diluis helleborum, cerlo compescere puncto
Nescius examen ? Vetat hoc natura medendi ;


vers que j’ai ainsi rendus dans une pauvre paraphrase que voici :

Tu veux préparer l’ellébore,
Toi dont la main novice ignore
Combien il exige de grains !
Laisse cet art aux médecins.


En outre, la mauvaise réputation du maître, sa fin étrange et incertaine, ou du moins sa disparition subite, empêchèrent tout le monde, si ce n’est quelques désespérés, d’aller consulter son domestique ; ce qui fit que le pauvre hère fut sur le point de mourir de faim. Mais le diable, qui est à son service depuis la mort de Démétrius, lui suggéra une autre ressource : ce drôle, soit par l’inspiration du démon, soit par suite d’une longue pratique, ferre les chevaux mieux qu’aucun homme en Angleterre, si bien qu’il a renoncé à exploiter les bipèdes sans plumes qu’on appelle le genre humain, pour se consacrer entièrement au service des chevaux.

  1. Ainsi du reste, et cœtera. a. m.
  2. Virgile. a. m.
  3. Au rameau arraché en succède un autre. a. m.