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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/227

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ment en regardant de temps à autre en arrière, elle vit le jeune cavalier voler avec la rapidité d’un vanneau vers l’endroit où il l’avait vue s’arrêter. Elle était encore en observation quand elle s’écria : « Bien ! mon amorce a pris ; » puis riant de l’aventure avec lady Paget, elle reprit le chemin du palais. Élisabeth recommanda à sa dame d’honneur de ne parler à personne de l’assistance qu’elle avait prêtée au jeune poète. Lady Paget promit un secret inviolable. Il est pourtant à supposer qu’elle fit une réserve mentale en faveur de Leicester, à qui elle conta sans délai cette anecdote si peu propre à lui faire plaisir.

Cependant Raleigh s’étant approché de la croisée lut avec un sentiment d’ivresse l’encouragement que lui donnait la reine à suivre sa carrière d’ambition ; puis glorieux de son succès et le cœur plein d’espérance, il alla rejoindre Sussex et sa suite qui étaient près de s’embarquer pour remonter la Tamise.

Le respect dû à la personne du comte empêcha qu’on ne s’entretînt de l’accueil qu’il avait reçu à la cour, avant qu’on fût débarqué et que toute la maison se trouvât rassemblée dans la grande salle de Say’s-Court. Alors Sussex, épuisé par sa dernière maladie et par les fatigues de la journée, se retira dans son appartement, en priant qu’on fit venir Wayland, dont les soins lui avaient été si utiles. Cependant on ne pouvait trouver nulle part l’artiste ; et tandis qu’une partie de la suite du comte, avec toute l’impatience militaire, le cherchait de tous côtés et maudissait son absence, le reste se pressa autour de Raleigh, pour le féliciter de la brillante perspective que lui offrait la cour.

Il eut assez de tact et de jugement pour cacher l’incident décisif du distique qu’Élisabeth avait daigné achever elle-même ; mais d’autres circonstances avaient transpiré qui indiquaient, à n’en pas douter, qu’il avait fait de nouveaux progrès dans les faveurs de la reine. Tous s’empressèrent de le féliciter de la meilleure tournure que prenait désormais sa fortune ; quelques-uns par intérêt véritable, d’autres peut-être dans l’espoir que son avancement pourrait hâter le leur ; le plus grand nombre, par un mélange de ces deux sentiments, et dans l’idée que la protection accordée à une personne de la maison de Sussex était en effet un triomphe pour tout le parti. Raleigh leur répondit par les remercîments les plus affectueux, alléguant avec une modestie charmante, qu’un jour de bon accueil ne faisait pas plus un favori qu’une hirondelle ne fait le printemps. Mais il remarqua que Blount ne joignait pas ses félicitations à