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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/276

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quelque action terrible ou quelque malheur. Elle tourna ses yeux avec crainte vers la porte, comme si elle se fût attendue à quelque bruit horrible, ou à quelque affreux spectacle.

Tout néanmoins était silencieux comme la mort, et la voix de ceux qui parlaient dans la chambre fermée, si toutefois ils parlaient, était si basse de ton, qu’on ne pouvait l’entendre dans la pièce voisine. Tout-à-coup, cependant, on entendit parler haut et précipitamment, et un instant après, la comtesse s’écrier avec l’accent de l’indignation la plus vive : « Ouvrez la porte, monsieur, je vous l’ordonne !… ouvrez la porte !… point de réplique… ; » et couvrant des éclats de sa voix les sons bas et étouffés de celle de Varney, qui de temps en temps se faisait entendre : « Hors d’ici ! sortez !… » continuait-elle en accompagnant ses paroles des cris perçants : « Jeannette, appelle toute la maison !… Foster, brisez la porte… un traître me retient ici… employez la hache et le levier, monsieur Foster, j’en répondrai pour vous !…

— Il n’en est pas besoin, « dit à la fin Varney, de manière à être entendu distinctement ; « si vous voulez faire connaître à tout le monde les importantes affaires de milord et les vôtres, je ne vous en empêcherai point. «

Les verroux furent tirés, et la porte ouverte toute grande ; Jeannette et son père se précipitèrent dans la chambre, inquiets de connaître la cause de ces exclamations.

Quand ils entrèrent dans l’appartement, Varney était près de la porte, grinçant des dents d’un air qui exprimait la rage, la honte et la crainte. La comtesse était debout au milieu de l’appartement, comme une jeune pythonisse sous l’influence de la fureur prophétique. Les veines de son beau front s’étaient gonflées en lignes bleues au milieu de ses violents efforts pour grossir sa voix, ses joues et son cou étaient rouges comme de l’écarlate, ses yeux étincelaient comme ceux de l’aigle emprisonné, qui lance des éclairs sur l’ennemi qu’il ne peut atteindre de ses serres. S’il eût été possible qu’une des Grâces fût animée par une Furie, sa figure n’aurait pas uni tant de beauté à tant de haine, de mépris, d’assurance et de colère. Les gestes et l’attitude répondaient à la voix et aux regards, et dans son ensemble, elle présentait un spectacle à la fois magnifique et terrible : tant il y avait de sublime dans cette combinaison de la passion avec les grâces naturelles de la comtesse Amy ! Jeannette, aussitôt que la porte fut ouverte, courut vers sa maîtresse, et Foster, plus lentement que sa fille, quoique avec plus