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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/116

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CHAPITRE III.

préparatifs.


Elspat Mac Tavish était restée immobile, les regards fixés sur la bourse, comme si l’empreinte de pièces d’argent avait pu lui révéler comment cette somme d’argent avait été acquise.

« Je n’aime pas ce Mac Phadraick, dit-elle en elle-même ; c’est de sa race que le barde parlait lorsqu’il disait : « Crains-les, non pas lorsque leurs paroles font autant de bruit que l’ouragan d’hiver, mais lorsqu’elles frappent ton oreille comme le chant mélodieux de la grive[1]. » Et cependant cette énigme ne peut être comprise que d’une manière : mon fils a pris l’épée pour gagner avec sa force d’homme ce que des rustres voudraient l’empêcher de prendre avec des paroles tout au plus bonnes à effrayer les enfants. » Lorsque cette idée se fut emparée de son esprit, elle lui parut d’autant plus raisonnable, que Mac Phadraick, bien que fort circonspect, comme elle le savait parfaitement, avait encouragé les déprédations de son époux, et souvent lui avait acheté des bestiaux, quoiqu’il sût, à n’en pouvoir douter, de quelle manière ils étaient acquis ; mais ces sortes de marchés n’avaient lieu pourtant que de manière à rapporter de grands bénéfices à Mac Phadraick, sans compromettre sa sûreté. Or, qui, mieux que lui, pouvait indiquer à un jeune cateran le chemin qu’il devait suivre pour commencer son périlleux métier avec le plus de chances de succès ? Qui, mieux que Mac Phadraick, pouvait l’aider à convertir son butin en argent ? Les sentiments qu’une autre mère aurait éprouvés en croyant son fils unique lancé dans la même carrière où son père avait trouvé la mort, étaient presque inconnus aux mères des montagnards de cette époque. Elspat considérait la mort de Mac Tavish comme celle d’un héros qui avait succombé dans le métier périlleux de la guerre, et qui n’avait pas succombé sans s’être vengé. Elle craignait bien moins pour son fils la mort que le déshonneur. Elle redoutait surtout son asservissement aux étrangers, et ce sommeil mortel de l’âme où plonge ce qu’elle considérait comme l’esclavage.

  1. The trush’song, le chant de la grive, est en Écosse ce qu’est pour nous le champ du rossignol. a.m.