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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/12

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LES CHRONIQUES DE LA CANONGATE.

que l’Écossais reçut sur son bouclier. Au lieu de se servir de son sabre pour attaquer son ennemi, alors sans défense, Stewart en fit usage pour parer un coup de hache dirigé sur l’officier par le meunier qui faisait partie de sa troupe, vieux montagnard, à figure révêche, que je me rappelle bien avoir vu. Se voyant le plus faible, le lieutenant-colonel Whiteford, homme distingué par son rang et sa fortune, non moins que par sa bravoure, rendit son épée, ainsi que sa bourse et sa montre, qu’Invernahyle reçut pour les dérober à la rapacité de ses gens. Quand la bataille fut terminée, M. Stewart revint chercher son prisonnier, et ils furent présentés l’un à l’autre par le célèbre Jean Roy Stewart, qui apprit au colonel quel était celui qui l’avait fait prisonnier, et lui fit sentir la nécessité de recevoir de lui des objets qui lui appartenaient, et que l’officier anglais paraissait disposé à laisser aux mains entre lesquelles ils étaient tombés. Il s’établit entre eux une si grande confiance, qu’Invernahyle obtint du Chevalier (c’est-à-dire, du prince Charles Édouard), la liberté de son prisonnier sur parole : bientôt après, ayant été envoyé dans les Hautes Terres pour y lever des hommes, il alla rendre visite au colonel dans sa propre maison, et y passa deux jours très-agréablement avec lui et ses amis whigs, sans que d’aucun côté on pensât à la guerre civile qui désolait le royaume.

Lorsque la bataille de Culloden eut mis un terme aux espérances de Charles-Édouard, Invernahyle, blessé et hors d’état de se mouvoir, fut emporté du champ de bataille par ses fidèles vassaux ; mais, comme il s’était distingué parmi les jacobites, sa famille et ses biens se trouvaient exposés à subir les effets de ce système vindicatif de destruction, qui ne fut que trop souvent exercé dans le pays des insurgés. Ce fut alors le tour du colonel Whiteford de s’employer activement : il fatigua les autorités civiles et militaires de ses sollicitations pour obtenir la grace de celui auquel il devait la vie, ou du moins pour que la proscription ne s’étendît pas jusque sur sa femme et sa famille. Ses efforts furent long-temps sans succès. « Sur toutes les listes, » disait Invernahyle, dont je rapporte les expressions, « on me trouvait toujours avec le sceau réprobateur de la bête. » Enfin, le colonel Whiteford s’adressa au duc de Cumberland, et appuya sa requête de tous les arguments qu’il put imaginer. Repoussé encore une fois, il tira de son sein sa commission ; et, après avoir rappelé les services que lui et sa famille avaient rendus à la maison de Brunswick, il demanda qu’il lui