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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/159

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rapidement sur ses lèvres : il songeait à l’inconséquence de la nature humaine. Combien de braves, se disait-il, que le son du pibroch aurait fait courir tête baissée contre les baïonnettes, comme un taureau sauvage contre son ennemi, et qui auraient frémi à la seule idée de ces visions, de ces fantômes imaginaires ; tandis que lui, homme de paix, et peu propre, dans les dangers mêmes ordinaires, à opposer une résistance vigoureuse, osait les braver sans hésiter !

Tout en contemplant la scène de désolation dont il était environné, il s’avouait à lui-même que ce lieu était parfaitement convenable pour servir de retraite aux esprits qui, dit-on, se plaisent dans la solitude et les lieux désolés. La vallée étroite, et bordée de rochers escarpés, permettait à peine au soleil de midi de lancer quelques-uns de ses rayons sur le sombre et chétif ruisseau qui coulait à travers ces retraites sauvages, le plus souvent sans bruit, et parfois en murmurant tristement contre les grosses pierres et les rochers qui semblaient vouloir entraver sa marche. Pendant l’hiver, ou dans la saison pluvieuse, ce ruisseau devenait un torrent écumant, d’une largeur effrayante : à de pareilles époques il avait arraché ces énormes fragments de rochers qui, au temps dont nous parlons, cachaient son cours et paraissaient vouloir l’interrompre totalement. « Sans doute, pensait le ministre, ce ruisseau qui descend de la montagne, gonflé tout à coup par une chute d’eau ou un violent orage, a souvent été cause des accidents que l’on attribue à la puissance du Clogth-dearg. »

Au moment où cette idée lui venait à l’esprit, une voix de femme lui cria d’un accent farouche et perçant ; « Michel Tyrie ! Michel Tyrie ! » Étonné, il regarda autour de lui, non sans une sorte de crainte. Il lui sembla, pendant un instant, que le malin esprit, dont il avait nié l’existence, allait lui apparaître pour le punir de son incrédulité. Cette pensée n’eut dans son esprit que la durée de l’éclair, et elle ne l’empêcha pas de répondre d’une voix ferme : « Qui m’appelle ? où êtes-vous ?

— Je suis celle qui voyage dans la misère, entre la vie et la mort, » répondit la voix ; et à ces mots, une femme d’une haute taille sortit du milieu des fragments du rocher, qui jusqu’alors l’avaient dérobée aux regards du ministre.

Tandis qu’elle s’approchait, son manteau de tartan, où dominait un rouge éclatant, sa haute stature, son pas grave, ses traits ridés et ses regards farouches, qui perçaient sous sa coiffe, auraient