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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/172

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marché saxon ! De bons billets dans le leabhar-dhu (portefeuille noir), et de l’or anglais plein le sporran ! »

Les jolies filles faisaient leurs adieux plus modestement, et plus d’une, dit-on, aurait donné son plus beau joyau pour être sûre que c’était sur elle que le dernier regard du jeune homme s’était fixé lorsqu’il s’était mis en chemin.

Robin Oig venait de donner le signal du départ : « Hoo, hoo ! » pour presser les traîneurs du troupeau, lorsqu’un cri se fit entendre derrière lui :

« Arrête, Robin ! attends un moment, voici Janet de Tomahourich, la vieille Janet, la sœur de ton père.

— Peste sur la vieille sorcière des montagnes ! » dit un fermier du Carse[1] de Stirling, « elle va jeter un sort sur les bestiaux.

— Elle ne le saurait, » dit un autre de la même profession, » Robin Oig n’est pas homme à laisser un seul de ses bœufs, sans faire à sa queue le nœud de saint Mungo, et cela suffit pour mettre en fuite la plus fameuse sorcière qui ait jamais traversé le Dimayet sur un manche à balai. »

Il ne sera peut-être pas indifférent au lecteur de savoir que le bétail des montagnes d’Écosse est particulièrement sujet à être ensorcelé par des charmes dont les gens prudents et bien avisés se préservent au moyen d’un nœud d’une espèce toute particulière, qu’ils font à la touffe du poil qui termine la queue de l’animal. Mais la vieille femme, objet des soupçons du fermier, ne paraissait s’occuper que de Robin, sans faire attention à son troupeau. Celui-ci, au contraire, semblait excessivement contrarié de sa présence.

« Quelle idée de vieille femme ! lui dit-il, quel motif vous amène de si bonne heure, Mhume[2] ? Je vous ai dit adieu hier au soir et j’ai reçu vos souhaits pour mon voyage.

— Oui, mais tu m’as laissé plus d’argent qu’une vieille femme n’en a besoin, enfant de mon cœur, dit Janet ; néanmoins je me soucierais peu de la nourriture qui m’entretient, du feu qui me réchauffe, et même du soleil bienfaisant du ciel, s’il devait arriver quelque malheur au petit-fils de mon père. Laisse-moi donc faire autour de toi la marche du deasil, afin que tu puisses voyager sain et sauf. »

  1. Étendue de terres basses le long d’une rivière, et formée principalement d’argile : voilà pourquoi on y récolte le meilleur blé. a. m.
  2. Nom d’amitié donné à la nourrice, à la tante dans les familles écossaises. a. m.