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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/186

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dras, et va-t’en au diable ! car que peut dire de plus un homme à un autre après le combat, si ce n’est qu’il est fâché d’en être venu là ? »

Ainsi se séparèrent les deux amis. Robin, après avoir jeté une pièce d’argent sur la table, sortit du cabaret ; mais avant de s’éloigner, il montra le poing à Wakefield, leva son doigt en l’air avec une expression de menace : puis il disparut au clair de la lune.

Quelques paroles vives eurent lieu après son départ entre le bailli, qui se piquait d’être bon lutteur, et Harry Wakefield, qui, avec une inconséquence née d’un sentiment de générosité, était fort disposé à entamer un nouveau combat pour l’honneur de Robin Oig, quoique, disait-il, Robin ne sût pas se servir de ses poings comme un Anglais, ce qui ne lui était pas naturel. Mais dame Heskett empêcha cette seconde querelle d’aller plus loin, en déclarant qu’elle ne souffrirait pas davantage qu’on se battît dans sa maison, ce qu’on avait fait déjà que trop. « Et vous, monsieur Wakefield, ajouta-t-elle, vous apprendrez peut-être ce que c’est que de faire d’un ami un ennemi mortel.

— Bah ! bah ! Robin Oig est un honnête garçon, incapable de faire une méchante action.

— Ne vous fiez pas à cela. Vous ne connaissez pas le caractère des Écossais, bien que souvent vous ayez fait affaire avec eux. J’ai des raisons de le connaître, moi : ma mère était Écossaise.

— On le voit bien par sa fille, » dit Ralph Heskett.

Ce sarcasme matrimonial donna un autre tour à la conversation. De nouveaux habitués entrèrent au cabaret, et les autres s’éloignèrent. L’entretien roula sur les foires qui devaient avoir lieu prochainement dans les différentes parties de l’Écosse et de l’Angleterre. On mit en train quelques marchés ; et Harry Wakefield fut assez heureux pour vendre une partie de son troupeau à un bénéfice considérable, événement de quelque importance pour lui, et plus que suffisant pour effacer de son esprit tout souvenir de ce que le commencement de la journée avait eu de pénible. Mais il restait quelqu’un de l’esprit duquel le souvenir de cette soirée n’aurait pu être effacé par la possession de tous les bestiaux existants, depuis Esk jusqu’à Éden.

C’était Robin Oig Mac Combich. « Que n’avais-je une arme ! pensait-il ; faut-il que, pour la première fois de ma vie, j’aie été sans mon poignard ! Maudite soit la langue qui me conseilla de m’en séparer !… Ah ! le sang anglais, le sang anglais ! Oh ! paro-