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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/245

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isolé, le pupille de M. Grey aurait ou beaucoup de peine à acquérir. Du nombre était celle des cartes et des dés ; et l’élève d’Hillary payait, comme de raison, à son maître le prix de son initiation à ces deux jeux en perdant toutes les parties. Après une longue promenade avec ce jeune homme, dont Richard, comme le fils imprudent du plus sage des rois[1], prisait sans doute les avis plus que ceux de ses vieux conseillers, Middlemas revint dans la chambre qu’il occupait à Stevenlaw’s-Land (c’est ainsi que l’on désignait la maison du docteur), et se mit au lit sans souper.

Le lendemain, Richard se leva avec le jour, et le repos de la nuit sembla avoir produit sur lui son effet ordinaire, celui d’apaiser les passions et de corriger le jugement. La petite Menie fut la première personne à qui il fit amende honorable, et un cadeau beaucoup moindre que la nouvelle poupée qu’il lui présenta aurait été acceptée en expiation d’une offense beaucoup plus grande. Menie était une de ces âmes pures pour qui un état de brouille est un état de peine, et la moindre avance de son ami et protecteur suffit pour reconquérir toute sa confiance, toute son affection enfantine.

Le père ne se montra pas plus inexorable que ne l’avait été Menie. M. Grey crut, il est vrai, avoir de bonnes raisons pour témoigner de la froideur à Richard lors de leur première entrevue ; car il était fort blessé de l’injuste traitement qu’il avait reçu le soir précédent. Mais Middiemas le désarma aussitôt, en alléguant avec franchise qu’il avait laissé son esprit s’égarer par le rang et l’importance supposés de ses parents, jusqu’à croire fermement qu’il les partagerait un jour. La lettre de son aïeul, qui le condamnait au bannissement et à l’obscurité pour la vie, était, il n’en disconvenait pas, un coup bien rude. Il se rappelait avec un profond chagrin que l’irritation produite en lui par ce désappointement l’avait mis dans le cas de s’exprimer d’une façon bien éloignée du respect et de l’affection qu’il devait à M. Grey ; car le docteur méritait de lui les égards et les attentions d’un fils, et il se croyait tenu de remettre à sa décision chaque action de sa vie… Grey ému par un aveu si candide, et fait avec tant d’humilité, renonça sans peine à son ressentiment, et demanda amicalement à Richard s’il avait réfléchi sur le choix d’une profession, puisqu’on le laissait libre sur ce point. Il ne le pressa point toutefois, et lui répéta qu’il lui accordait tout le temps raisonnable pour se décider.

  1. Roboam, fils de Salomon. a. m.