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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/259

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— Sur ma parole, dit Middlemas, elle a été extrêmement naïve en effet, et je lui en suis fort obligé !

— Et sur mon honneur, M. Middlemas, repartit Hartley, vous faites la plus grande injustice à miss Grey… et même vous êtes ingrat envers elle, si la déclaration qu’elle a faite vous déplaît. Elle vous aime comme une femme aime le premier objet de son affection… elle vous aime plus… » Il s’arrêta et Middlemas acheva la phrase.

« Plus que je ne le mérite, peut-être ? En vérité, c’est bien possible, et en retour je la chéris tendrement. Mais après tout, le secret était à moi aussi bien qu’à elle, et il aurait mieux valu qu’elle me consultât avant de le rendre public.

— M. Middlemas, » dit Hartley avec chaleur, « si un pareil sentiment provenait de la crainte que votre secret ne fut mal gardé, parce que j’en ai connaissance, veuillez vous rassurer. Telle est ma reconnaissance pour la bonté dont miss Grey m’a donné la preuve en me communiquant une affaire si délicate, dans le seul but de m’épargner des peines à venir, que je me laisserais tirer à quatre chevaux, et que je verrais mes membres arrachés un à un avant de lâcher un seul mot à ce sujet.

— Voyons, voyons, mon cher ami, » dit Middlemas avec une franchise de manières, signe d’une cordialité qui n’avait pas existé entre eux depuis long-temps, « il faut que vous me permettiez d’être un peu jaloux à mon tour. Le véritable amant doit être parfois déraisonnable ; j’ignore pourquoi il me semblait bizarre qu’elle eût choisi pour confident un jeune homme en qui j’avais souvent vu un formidable rival ; et pourtant je suis loin d’en être mécontent : je ne sais si cette chère et sensible fille aurait pu faire un meilleur choix. Il est temps que la ridicule froideur qui existait entre nous finisse ; car vous devez sentir que sa cause principale était dans notre rivalité. J’ai grand besoin de bons conseils ; et qui peut m’en donner si ce n’est le vieux camarade à qui j’ai toujours envié la profondeur de son jugement, même lorsque des amis peu judicieux se plaisaient à reconnaître en moi un esprit plus saillant ?

Hartley accepta la main que lui offrait Richard, mais sans aucune des marques d’enthousiasme dont son ami accompagnait le signe de réconciliation.

« Je n’ai pas intention, dit-il, de rester encore bien des jours ici, ni même bien des heures peut-être. Mais si, en attendant,