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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/290

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« Quelque impudent charlatan, dit le général, qui voudrait s’attirer des pratiques par la présomption de son langage ! Les docteurs Tourniquet et Lancelot sont des hommes de haute réputation.

— Ne parlez pas de leur réputation, » s’écria mistress avec une impatience de mère ; « n’ont-ils pas laissé mourir mon cher Ruben ? Que sert la réputation du médecin quand le malade périt ?

— Si Son Honneur voulait seulement voir le docteur Hartley, » répliqua Winter en se tournant un peu vers sa maîtresse, et puis en se retournant après vers son maître, « c’est un jeune homme bien né, et qui, j’en suis sûr, ne s’attendait pas à ce que ses paroles arrivassent jamais aux oreilles de Votre Honneur… Il est né dans le Northumberland.

— Envoyez-lui un domestique avec un cheval de main ; et qu’il vienne ici à l’instant. »

Il est bien connu que l’ancienne manière de traiter la petite vérole était de refuser au malade tout ce qu’un instinct secret le portait à désirer ; et surtout de le tenir dans une chambre chaude et un lit surchargé de couvertures, et de lui donner à boire du vin épicé, tandis que la nature réclamait de l’eau froide et un air frais. Un traitement tout opposé avait été depuis peu tenté par quelques praticiens qui préféraient la raison à l’autorité de l’habitude, et Gédéon Grey l’avait suivi plusieurs années avec un incroyable succès.

Lorsque le général Witherington vit Hartley, il fut étonné de sa jeunesse ; mais quand il l’entendit établir avec modestie, et toutefois avec assurance, la différence des deux modes de traitement, et le rationale de sa pratique, il lui prêta la plus sérieuse attention. Il en fut de même de son épouse, qui fixait successivement ses yeux mouillés de larmes sur Hartley et son mari, comme pour épier quelle impression faisaient les arguments du premier sur l’esprit du second. Le général Witherington garda quelques minutes le silence après que Hartley eut fini l’exposition de sa méthode, et sembla plongé dans de profondes réflexions. « Traiter une fièvre, dit-il enfin, d’une manière qui tend à en produire une autre, il semble en vérité que c’est jeter de l’huile sur le feu.

— Eh, oui… oui ! ajouta la mère, ayons confiance en ce jeune homme, général Witherington. Nous procurerons au moins à nos chers petits la consolation de respirer un bon air et de boire de l’eau fraîche ; c’est l’objet de leurs vives instances. »