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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/300

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désire le voir à présent… pour que je souhaite d’imprimer dans ma mémoire les traits de ce visage et les formes de ce corps que je ne dois plus revoir tant que nous serons sur la terre ? Ne soyez pas, mon Richard, plus cruel que ne le fut mon père, lorsque sa colère était au comble. Il me laissa regarder mon enfant, et sa figure de chérubin demeura gravée dans mon cœur, et fut ma consolation, pendant les années d’angoisses au milieu desquelles s’écoula ma jeunesse.

— En voilà assez, Zilia… vous avez demandé cette faveur… je l’ai accordée… et, à tout risque, je tiendrai ma promesse. Mais, songez de quelle importance est ce fatal secret pour votre réputation dans la société… mon honneur est intéressé à ce que vous conserviez cette réputation intacte. Zilia, le moment où une imprudence donnerait aux prudes et aux amateurs de scandale le droit de vous traiter avec mépris, ce moment serait rempli de misères inimaginables, de sang répandu et de mort peut-être, si un homme osait répéter un pareil bruit.

— Vous serez obéi, Richard, autant que le permettra la faiblesse de la nature… mais, hélas ! Dieu de mes pères, de quelle boue nous as-tu formés, pauvres mortels, qui craignons tant la honte qui suit le péché, et nous repentons si peu du péché même ! » Une minute après, des pas se firent entendre… la porte s’ouvrit… Winter annonça le lieutenant Middlemas, et le fils, à son insu, se trouva devant son père et sa mère.

Witherington tressaillit involontairement ; mais aussitôt il s’efforça de prendre cet air d’aisance avec lequel un supérieur reçoit un subalterne, air qui se mêlait ordinairement chez lui à un certain degré de hauteur. La mère eut moins d’empire sur elle-même. Elle se leva, comme avec l’intention de se jeter au cou de ce fils, pour qui elle avait enduré tant de douleurs et de chagrins. Mais le regard sévère de son mari l’arrêta comme par un pouvoir magique, et elle resta debout, sa belle tête et son cou en avant, ses mains jointes et étendues vers le jeune homme, dans l’attitude du mouvement, mais immobile, comme une statue de marbre, à laquelle le sculpteur a donné toute l’apparence de la vie, sans pouvoir la lui communiquer en réalité. Des gestes et une attitude si extraordinaires auraient pu exciter la surprise du jeune officier ; mais la dame se tenait dans l’ombre, et il était si occupé à regarder son protecteur, qu’il s’aperçut à peine de la présence de mistress Witherington.