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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/352

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Barak était dans la mosquée, comme il l’avait prévu, pieusement occupé à lire des passages du Coran, avec les notes des plus estimés commentateurs. L’interrompre dans ce saint exercice était chose impossible, et ce fut seulement par une forte récompense qu’il put décider le même musulman qu’il avait déjà employé, à glisser dans les plis de la robe du saint homme un papier contenant son nom et celui du khan où le vakeel avait établi son logement. L’agent rapporta pour réponse que le fakir, absorbé, comme on devait s’y attendre, par le service religieux dont il s’acquittait en ce moment, n’avait paru donner aucune attention au signe que le sahib Féringi (le gentilhomme européen) lui avait envoyé. Désespéré de perdre un temps dont chaque minute était si précieuse, Hartley s’efforça alors de déterminer le musulman à interrompre les dévotions du fakir par un message verbal ; mais l’homme fut indigné de cette seule proposition.

« Chien de chrétien ! s’écria-t-il, qui es-tu, toi et toute ta génération, pour que Barak el Hadgi perde une pensée divine en faveur d’un infidèle comme toi ? »

Exaspéré et incapable de se contenir, l’infortuné Hartley se prépara à pénétrer lui-même dans l’enceinte de la mosquée, dans l’espoir d’interrompre la récitation éternelle et monotone dont le bruit sortait du lieu saint, lorsqu’un vieillard lui appuya la main sur l’épaule, l’empêcha de commettre une imprudence qui aurait pu lui coûter la vie, et lui dit : « Vous êtes un sahib Angrezie (un Anglais) ; j’ai été telinga (simple soldat) au service de la compagnie, et j’ai mangé son sel. Je ferai votre commission pour le fakir El Hadgi. »

À ces mots il entra dans la mosquée, et revint aussitôt avec la réponse du fakir, conçue en termes énigmatiques : « Celui qui veut voir le soleil se lever doit veiller jusqu’à l’aurore. »

Avec ce mince sujet de consolation, Hartley se retira dans son hôtellerie pour méditer sur la futilité des promesses faites par les naturels du pays, et pour chercher un autre moyen de pénétrer jusqu’à Hyder. Il perdit bientôt tout espoir, en apprenant de son compagnon de voyage, qu’il trouva au khan, que le nabab était absent de la ville pour une expédition secrète qui pouvait le retenir deux ou trois jours. C’était la réponse que le vakeel avait reçue lui-même du dewan, avec ordre ultérieur de se tenir prêt pour le jour où il serait appelé à remettre ses lettres de créance au prince Tippoo, au lieu du nabab ; ainsi son affaire se trouvait