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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/73

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des couronnes à ceux qui avaient un esprit capable de concevoir de grandes entreprises, et un bras assez hardi pour les exécuter.

J’ai, pour ainsi dire, les deux extrémités du monde moral aux deux portes de ma maison. Celle de devant me conduit en quelques minutes dans le cœur de la riche et populeuse cité ; par celle de derrière, je me transporte, dans le même espace de temps, en une solitude aussi complète que Zimmermann aurait pu la souhaiter. Certes, avec d’aussi puissants auxiliaires, je dois écrire beaucoup mieux que si j’habitais un logement somptueux dans New-Town[1], ou un grenier dans Old-Town[2]. « Vamos Carajo[3] ! » comme dit l’Espagnol.

Je n’ai pas voulu publier un ouvrage périodique, et deux raisons m’en ont détourné. Premièrement, je n’aime pas à être pressé ; j’ai eu trop de créanciers importuns dans la première partie de ma vie, pour ne pas répugner à la seule idée d’en voir ou d’en entendre parler, même sous la forme beaucoup moins redoutable d’un imprimeur. Secondement, la circulation d’un ouvrage périodique s’étend rarement au delà du quartier où il se publie. Cet ouvrage, si on le donnait par livraisons fugitives, s’élèverait à peine, sans de grands efforts de la part du libraire, à la hauteur de Netherbow[4], et jamais on ne pourrait s’attendre à le voir monter jusqu’au niveau de Princes Street[5]. Or, je suis jaloux que mes ouvrages, bien que nés dans la vallée d’Holy-Rood, puissent non-seulement s’élever jusqu’à ces hautes régions dont je viens de parler, mais encore qu’ils traversent le Forth[6], qu’ils jettent l’étonnement dans la longue ville de Kirkaldy[7], qu’ils enchantent les matelots et les charbonniers du comté de Fife[8], qu’ils se hasardent même jusqu’à pénétrer sous les arcades classiques de Saint-André[9], et qu’enfin ils s’avancent vers le nord aussi loin que le souffle des éloges pourra les porter. Quant à leur voir prendre une direction plus méridionale[10], je ne l’espère pas,

  1. Nouvelle ville. a. m.
  2. Vieille ville. a. m.
  3. Comme qui dirait : Allons, mille bombes ! car le mot carajo est intraduisible pour des oreilles pudiques.
  4. Rue d’Édimbourg, vers le haut de la Canongate. a. m.
  5. Une des plus belles rues de la nouvelle ville d’Édimbourg. a. m.
  6. Rivière qui se jette dans la mer au-dessus d’Édimbourg. a. m.
  7. Ville du comté de Fife, vis-à-vis de Leith, qui est le port d’Édimbourg. a. m.
  8. Un des plus grands et des plus riches comtés d’Écosse, lequel est quelquefois encore emphatiquement appelé royaume. a. m.
  9. Petite ville où existe une université pour les humanités. a. m.
  10. L’Angleterre, par rapport à l’Écosse. a. m.