Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la française, quelques-uns même provenant de la cuisine écossaise : ce qui, joint aux nombreux assortiments de vins extraordinaires servis par M. Beauffet, donnait à ces banquets quelque chose d’antique et d’étranger qui les rendait encore plus recherchés et plus piquants.

On mettait un grand prix à être invité à ces dîners-là, ainsi qu’aux conversazioni ; car, à l’aide du meilleur café, du thé le plus exquis, et d’un chasse-café qui aurait rappelé un mort à la vie, mistress Baliol tenait un cercle dans ce salon dont j’ai parlé déjà, et l’assemblée commençait dès huit heures du soir, contre toutes les règles de la mode. Alors la joyeuse et aimable vieille paraissait si heureuse du plaisir de ceux qu’elle réunissait autour d’elle, qu’à leur tour ils s’efforçaient de prolonger ses amusements et les leurs ; et, de ce désir mutuel de contribuer à l’agrément général, il résultait un charme qui existe bien rarement dans ces sortes d’assemblées.

Mais, quoique ce fût un grand privilège d’être admis chez mon excellente amie, soit dans son intimité du matin, soit à ses dîners, soit à ses assemblées, j’estimais encore plus le droit, que m’avait acquis une amitié de longue date, d’arriver à Baliol’s Lodging sur les six heures du soir, au hasard de trouver la vénérable dame du logis sur le point de prendre son thé. Ce n’était qu’à deux ou trois vieux amis qu’elle accordait cette liberté, et jamais cette réunion accidentelle ne s’étendait au delà de cinq personnes. La réponse ordinaire à ceux qui arrivaient trop tard était que la partie se trouvait au complet : ce qui avait le double avantage de rendre plus ponctuels ceux qui venaient voir mistress Baliol ces jours de non-cérémonie, et d’ajouter à leur jouissance le piquant d’une petite difficulté vaincue.

Mais le plus fréquemment il ne se présentait qu’une personne ou deux à l’heure du thé. Si c’était un homme seul, mistress Martha, tout en n’hésitant pas à l’admettre dans son boudoir, selon la coutume française et écossaise, avait soin par égard pour les convenances, disait-elle, d’ordonner à sa première suivante, mistress Alice Lambskin, de lui faire compagnie. Cette mistress Alice Lambskin était une fille qui, par la gravité et l’austérité de toute sa personne, aurait pu servir de chaperon à un pensionnat complet de jeunes filles, aussi bien qu’à une vieille dame de quatre-vingts ans et plus. Mistress Alice se tenait convenablement assise à une certaine distance de la compagnie, soit auprès d’un des