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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/114

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réellement un mystère caché sous cette visite, croyez-moi, c’en serait un que vous ne pourriez pénétrer, que moi-même je ne voudrais pas chercher à découvrir ; car si je venais à me tromper, et il serait possible que je me trompasse, j’aimerais mieux entrer dans le taureau de Phalaris, s’il se trouvait devant moi tout rouge, que de me laisser rôtir par vos railleries. Ne m’accusez pas de manque de confiance : dès l’instant que je pourrai jeter quelque lumière sur cette affaire, vous en recevrez avis ; mais tant que j’erre seulement dans les ténèbres, j’aime mieux ne pas appeler les gens sages pour qu’ils me voient casser le nez contre un poteau, Si donc cela vous émerveille,


Émerveillez-vous à votre aise
Jusqu’à l’heure où viendra le jour.


En attendant permettez-moi, cher Alan, de continuer mon journal.

Le troisième ou quatrième jour après mon arrivée à Mont-Sharon, le temps, ce fossoyeur chauve auquel je vous ai renvoyé, s’est mis certainement à clocher pour moi avec plus de lenteur qu’il ne l’avait encore fait. La raide morale de Josué et la simplicité huguenote de sa sœur commencèrent à perdre beaucoup de leur piquant avec la nouveauté, et ce mode de vie, à force d’être tranquille, devint abominablement ennuyeux. C’était, ainsi que vous dites, comme si les quakers eussent mis le soleil dans leur poche. Tout alentour était calme et paisible, même agréable ; mais il y avait dans toute cette routine une uniformité, un manque d’intérêt, une langueur sans espoir ni remède, qui rendaient la vie insipide. Sans doute, mon digne hôte et ma jolie hôtesse ne s’apercevaient point de ce vide, de cette absence de toute émotion, qui devenaient accablants pour leur jeune ami. Ils avaient leur petit cercle d’occupations, de charités et de plaisirs ; Rachel avait la basse-cour, et Josué son jardin. En outre, ils trouvaient sans doute du bonheur à se livrera leurs pieuses méditations ; et en résumé, le temps s’écoulait doucement et imperceptiblement pour eux, tandis que pour moi, qui aime passionnément les cascades et les cataractes, il semblait rester absolument immobile. Je songeais à retourner à Shepherd’s Bush, et je commençais à penser avec quelque plaisir au petit Benjie et à ma ligne. Le polisson n’a point eu peur de venir ici, et il rôde dans les environs afin de m’apercevoir de temps à autre ; je suppose que le petit