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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/130

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meute et fuir avec le lièvre — puis était whig ou tory, saint ou pécheur, suivant le côté d’où venait le vent. Il excellait à mener sa barque dans ce monde de révolution ; il aimait assez à entendre de temps à autre une marche ou un air sur la cornemuse ; et surtout, il croyait n’avoir rien à craindre pour l’argent qu’il prêtait à mon grand-père sur la ferme de Primrose-Know.

Mon grand-père s’en alla donc au château de Redgauntlet avec une bourse pesante et un cœur léger, content d’éviter la colère du laird. Eh bien, la première chose qu’il apprit au château, fut que sir Robert avait eu un accès de goutte, parce que mon grand-père n’était pas arrivé avant midi. Ce n’était pas à cause de l’argent, dit Dougal, mais parce qu’il lui coûtait de renvoyer son favori de ses domaines. Dougal fut content de voir Steenie, et l’amena dans le grand salon à boiseries de chêne, où le laird était assis tout seul, si ce n’est qu’il avait près de lui un vilain grand singe qui était particulièrement dans ses bonnes grâces : — maudite bête, qui jouait mille tours pendables par jour — dont il était difficile de se faire bien venir, et qui se fâchait aisément — qui courait à travers tout le château, piaillant et criant, pinçant et mordant les gens, surtout à l’approche des mauvais temps ou des troubles dans l’État. Sir Robert l’appelait le major Weir, comme le sorcier qui fut brûlé à Édimbourg ; et peu de personnes aimaient le nom ou les qualités de cette créature. On croyait qu’il y avait quelque chose en elle d’extraordinaire — et mon grand père ne fut pas plus satisfait qu’il ne faut quand la porte se ferma sur lui, et qu’il se vit seul dans la chambre avec le laird, Dougal Mac Callum et le major, chose qui ne lui était pas encore arrivée.

Sir Robert était assis, je devrais dire couché dans un grand fauteuil à bras, entortillé dans son ample robe de velours, et les pieds sur son coussin ; car il avait et la goutte et la gravelle, et sa figure était aussi effroyable et aussi pâle que celle de Satan. Le major Weir était accroupi en face de lui, avec un habit rouge brodé et la perruque de son maître sur sa tête ; et chaque fois que la douleur arrachait une grimace à sir Robert, le singe grimaçait aussi, comme une tête de mouton suspendue à la porte d’un boucher ; le vilain et terrible couple qu’ils formaient tous deux ! — Le justaucorps de buffle du laird était accroché à un clou derrière lui, et il avait son sabre et ses pistolets sous la main ; car il était fidèle à la vieille coutume d’avoir toujours ses armes prêtes et un cheval sellé jour et nuit, ainsi qu’il ne manquait jamais de le faire