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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/133

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l’aider à se retourner dans son lit. Dougal dit que se trouvant seul avec la mort à cet étage de la tour (car personne ne se souciait de veiller sir Robert Redgauntlet comme on eût veillé un autre cadavre), il n’avait encore jamais osé répondre au coup de sifflet ; mais que sa conscience lui reprochait d’avoir négligé son devoir ; car « quoique la mort rompe tout engagement de service, continuait Mac Callum, elle ne rompra jamais mon engagement avec Robert ; et je répondrai au premier coup de sifflet, si vous consentez seulement à m’accompagner, Hutcheon. »

Hutcheon ne s’en souciait guère ; mais il s’était battu près de Dougal dans les grandes batailles et dans les petites affaires, et il ne voulut pas lui faire faute en cette occasion. Les deux camarades s’attablèrent donc devant une cruche d’eau de vie : Hutcheon, qui était un peu clerc, aurait lu volontiers un chapitre de la Bible ; mais Dougal ne voulut entendre qu’un fragment de David-Lindsay[1], ce qui était la pire des préparations possibles.

Lorsque vint minuit et que toute la maison fut tranquille comme la tombe, le sifflet d’argent retentit, sans qu’on pût s’y méprendre, sur un ton aussi aigu et aussi perçant que si Robert y eût soufflé : les deux vieux serviteurs se levèrent aussi et entrèrent en chancelant dans la chambre où était étendu le mort. Hutcheon en vit assez au premier coup d’œil ; car il y avait dans la pièce des torches qui lui montrèrent le diable, sous sa propre forme, assis sur le cercueil du laird. Il tomba sur le plancher, comme privé de vie, et ne put dire combien il était resté de temps sans connaissance au bas de la porte ; mais quand il se releva, il appela son camarade, et n’en recevant pas de réponse il réveilla toute la maison : alors on trouva Dougal étendu mort à deux pas du lit sur lequel était placée la bière de son maître. Quant au sifflet, il avait disparu ; mais on l’entendit bien des fois résonner dans le haut de la maison, au milieu des combles, parmi les vieilles cheminées et les tours, où les hiboux ont leurs nids. Sir John étouffa l’affaire, et les funérailles se passèrent sans autre intervention diabolique.

Mais quand tout fut fixé, et que le nouveau laird commença à mettre ordre à ses affaires, chaque fermier reçut sommation de payer ses arrérages, et mon grand-père y fut pour toute la somme dont il se trouvait redevable d’après le registre des recettes. Eh bien, il s’en va au château pour conter son histoire, et on l’intro-

  1. Ancien auteur écossais. a. m.