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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/139

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vait être quelque drôle aimant à rire, qui cherchait à l’effrayer, et qui finirait peut-être par lui prêter de l’argent : d’ailleurs l’eau-de-vie avait doublé son courage, et son malheur lui avait tourné la tête. Il déclara qu’il aurait la hardiesse d’aller jusqu’à la porte de l’enfer, et même un pas plus loin, pour avoir un reçu. — L’étranger sourit.

Ils continuaient à s’avancer dans le plus épais du bois, lorsque soudain le cheval de mon grand-père s’arrêta à la porte d’une grande maison ; et, s’il n’avait pas su que le château de Redgauntlet était à plus de dix milles, il l’aurait pris pour le sien. Ils pénétrèrent dans la première cour en passant par une haute porte délabrée et sous un vieux portail ; toute la façade de l’édifice était éclairée ; on entendait les cornemuses et les violons de dehors, et au dedans on dansait, on s’amusait comme on avait l’habitude de le faire chez sir Robert, à Pâques, à Noël, et aux autres grandes fêtes. Ils descendirent de cheval, et mon grand-père, attacha le sien, à ce qu’il lui semblait, au même anneau où il l’avait attaché le matin, lorsqu’il avait été rendre visite au jeune sir John.

« Dieu ! s’écria-t-il, si la mort de sir Robert n’était qu’un songe ! »

Il frappa à la porte du vestibule, comme il avait coutume de frapper, et sa vieille connaissance, Dougal Mac Callum, comme à l’ordinaire aussi, — vint ouvrir la porte, et dit : « Joueur de cornemuse, Steenie, est-ce vous, mon garçon ? Sir Robert vous demande à grands cris. »

Mon grand-père était comme un homme qui rêve. — Il se retourna pour voir l’étranger, mais il avait disparu pendant ce temps-là. Il eut à peine la force de dire : « Ah Dougal, sommelier, êtes-vous vivant ? Je croyais que vous étiez mort ?

— Ne vous occupez point de moi, répondit Dougal, mais prenez garde à vous-même ; et songez bien qu’il vous faut ne rien accepter de personne ici, ni à manger, ni à boire, ni or, ni argent, excepté la quittance qu’on vous doit. »

À ces mots, il conduisit mon grand-père à travers des appartements et des corridors qu’il connaissait bien jusque dans le vieux salon boisé en chêne ; là Steenie put entendre chanter autant de chansons profanes, retentir autant de blasphèmes et de jurements, et voir couler le vin rouge en aussi grande abondance, qu’au château même de Redgauntlet durant les jours de prospérité.