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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/176

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biographes ont employé les lettres des personnages intéressés, ou seulement de larges extraits, pour décrire des incidents particuliers, ou exprimer les sentiments qui les animaient, tout en nouant au besoin ces fragments par des parties de narration, lorsque la clarté de leur histoire paraissait l’exiger.

C’est ainsi que les aventureux voyageurs qui explorent le sommet du mont Blanc, tantôt avancent si lentement sur la neige qui s’enfonce sous leurs pieds, que leur marche est presque imperceptible, et tantôt abrègent la route en sautant par-dessus les fondrières qui interceptent le passage, au moyen de leurs bâtons de pèlerin ; ou, pour faire une comparaison plus exacte, la manière de conter que nous avons adoptée pour cette fois ressemble à la discipline des dragons qu’on instruit à servir à pied ou à cheval, suivant que la situation des lieux l’exige. Après cette explication, nous allons rapporter certaines circonstances qu’Alan Fairford ne put transmettre à son correspondant.

Notre lecteur, nous l’espérons, a dû se former une idée assez précise des principaux personnages qui ont paru devant lui dans la première partie de ce livre ; mais dans le cas où notre bonne opinion de sa sagacité serait exagérée, et à dessein de contenter les gens qui ont la louable habitude de feuilleter un ouvrage au lieu de le lire (ce qui m’est arrivé quelquefois à moi-même), les détails qui suivent ne seront pas superflus.

M. Saunders Fairford, comme on l’appelait plus ordinairement, était un homme d’affaires de la vieille école ; modéré dans les honoraires qu’il demandait à ses clients, économe et même parcimonieux dans sa dépense, d’une stricte probité pour ses propres affaires aussi bien que pour celles de ses pratiques ; mais devenu, par une longue expérience, méfiant et soupçonneux lorsqu’il examinait la conduite des autres. Aussitôt que l’horloge de Saint-Giles sonnait neuf heures, on voyait le petit vieillard, encore frais et leste, arriver ponctuellement à la porte du palais de justice ou du moins au bas de l’Escalier-Tournant. Il était proprement vêtu d’un habillement complet de drap brun couleur de tabac, avec des bas de soie ou de laine, suivant la saison ; il portait une perruque à trois marteaux et un petit chapeau à cornes ; il était chaussé de souliers aussi brillants que s’ils eussent été vernis avec le cirage de Waren[1], couverts de larges boucles d’argent ;

  1. Célèbre fabricant de cirage à Londres. a. m.