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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/238

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son mouchoir sur son visage, l’homme mystérieux fit disparaître soudain l’empreinte terrible qui me fascinait. « Le jeune homme ne dira plus maintenant qu’il ne m’a jamais vu, » dit-il au juge de paix avec un ton de bonté, « j’espère qu’il se soumettra de bonne grâce à ma tutelle temporaire, qui peut finir pour lui mieux qu’il ne s’y attend.

— Quoi que je puisse attendre de vous, » répliquai-je en tâchant de rassembler mes souvenirs confus, « je vois que je ne dois espérer ni justice ni protection de ce magistrat, dont le devoir est de rendre l’une et l’autre aux sujets du roi. — Quant à vous, monsieur, quelque étrange que soit la manière dont vous êtes intervenu dans la destinée du malheureux jeune homme, quelque intérêt que vous prétendiez prendre à moi, votre conduite est un mystère que vous pouvez seul expliquer. Il est certain que je vous ai déjà vu ; car on ne peut oublier la puissance fatale de vos regards. »

Le juge de paix ne parut pas fort à son aise après ces paroles. « Ha ! — oui, dit-il, il est temps de partir, voisin. J’ai plusieurs milles à parcourir, et je ne me soucie pas de marcher dans vos cantons par l’obscurité. — Vous et moi, monsieur Nicolas, nous avons à nous dépêcher. »

Le juge déchirait ses gants en cherchant à les mettre trop vite, et M. Nicolas se hâtait de prendre sa redingote et son fouet. L’hôte essaya de les retenir et parla de souper, même de coucher ; mais tous deux, en l’accablant de remercîments pour son invitation, ne paraissaient pas disposés à y souscrire ; et M. le juge de paix Foxley lui débitait une vingtaine d’excuses avec plus de cent interjections, selon sa coutume, lorsque la jeune Dorcas se précipita dans la chambre, et annonça qu’un monsieur demandait le juge de paix pour affaire.

« Quel monsieur ? et que lui faut-il ?

— Il arrive en poste sur les dix doigts de ses pieds, et veut parler d’affaires de justice à Votre Seigneurie. Je réponds que c’est un homme comme il faut, car il débite d’aussi bon latin que le maître d’école ; mais, grand Dieu ! il a une perruque bien drôlement tournée. »

Le personnage ainsi annoncé et décrit entre dans l’appartement. Mais j’ai déjà rempli toute une feuille de mon papier, et les incidents bizarres se multiplient en si grand nombre autour de moi, que j’ai matière à en remplir une autre avec ce qui suivit