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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/24

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encore par derrière, soient chose agréable et plaisante, pourtant j’en céderais volontiers la moitié pour appeler votre père mon père, quand même il devrait me gronder pour ma paresse à chaque heure du jour, et pour vous appeler mon frère, quand même le mérite de mon frère dût alors faire rentrer complètement le mien dans l’ombre.

Une idée confuse, mais qui n’est pas tout à fait invraisemblable, s’est souvent présentée à mon esprit : c’est que votre père en sait sur ma naissance et ma condition réelle plus qu’il n’est disposé à en dire. Il me semble peu probable que j’aie été laissé à Édimbourg à l’âge de six ans, sans aucune autre recommandation que le paiement régulier de ma table au vieux M… d’High-School. Tout ce que je puis me rappeler d’antérieur à ce temps, comme je vous l’ai dit bien des fois, c’est l’indulgence sans bornes de ma mère, et mon exigence vraiment tyrannique. Je me rappelle encore comme elle soupirait amèrement en cherchant en vain à m’apaiser, lorsque, avec tout le despotisme d’un enfant gâté, je beuglais comme dix veaux ensemble pour une chose qu’il était impossible de me procurer. Elle est morte, cette mère si bonne et si mal récompensée ! Je me rappelle les figures allongées, — la chambre obscure, — les tentures noires, — la mystérieuse impression faite sur mon esprit par le char funèbre et les voitures de deuil, et la difficulté que j’éprouvais à concilier tout cela avec la disparition de ma mère. Je crois que, avant cet événement, je ne m’étais jamais formé une idée de la mort, et que même je n’avais jamais entendu parler de cette fin nécessaire de toute existence. La première connaissance que je fis avec elle me priva de toute ma famille en me privant de ma mère.

Un ecclésiastique d’un air vénérable, notre seul visiteur, fut mon guide et mon compagnon dans un voyage d’une longueur considérable ; je fus ensuite, je ne sais comment ni pourquoi, confié aux soins d’un homme âgé, qui prit sa place, je terminai avec lui mon voyage en Écosse ; — et voilà tous mes souvenirs.

Je répète cette petite histoire maintenant, comme je l’ai déjà répétée cent fois, uniquement pour en extraire quelque éclaircissement. Appliquez donc votre esprit si fin et si pénétrant, votre génie d’avocat à la même tâche ; — travaillez mon histoire comme si vous arrangiez les sottes allégations d’un client bien niais et bien lourd, de façon à faire accorder les faits et les circonstances et vous serez, non pas mon Apollon, — quid tibi