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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/256

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garanti en m’élevant au milieu d’un si profond mystère et avec tant de précautions ?

Et si je devinais juste, de quelle nature était l’espèce de droit qu’il réclamait ? Était-ce un droit de parenté ? — Se pouvait-il que J’eusse dans mes veines le sang, sur mes traits la ressemblance de cet être singulier ? Quelque étrange que cela puisse paraître, le frémissement d’horreur qui s’empara de mon esprit en ce moment fut comme mêlé d’un sentiment bizarre et mystérieux d’admiration et presque d’un certain plaisir. Je me rappelai ma propre figure, que j’avais aperçue dans un miroir, à un instant remarquable de la singulière entrevue d’où je sortais, et je courus dans ma première chambre pour consulter la glace qui s’y trouvait, et voir s’il me serait possible de contracter encore les muscles de mon front, de manière à y reproduire le signe effrayant empreint sur celui d’Herries ; mais je fronçai vainement les sourcils de mille façons différentes, et je fus obligé d’en conclure ou que la marque que je croyais avoir sur le front était imaginaire, ou que je ne pouvais la faire ressortir par un simple effort de volonté, ou enfin, ce qui paraissait fort vraisemblable, que c’était une de ces ressemblances que l’imagination croit reconnaître dans les braises d’un feu de bois, ou parmi les veines variées du marbre, distinctes une fois, mais confuses ou invisibles à tel autre moment, suivant que la combinaison des lignes frappe l’œil, ou fait impression sur l’esprit.

Tandis que je travaillais à mouler mon visage comme un acteur qui cherche à se grimer, la porte s’ouvrit tout à coup, et la jeune servante de la maison entra. Honteux et vexé d’être surpris dans ma singulière occupation, je me détournai vivement ; et le hasard, je suppose, opéra sur mon visage le changement que j’avais en vain tenté d’y produire.

La jeune fille recula de frayeur, en criant : « Ne me regardez donc pas ainsi ; — finissez, pour l’amour de Dieu ! — Vous ressemblez au vieux squire comme… Mais le voilà qui vient, » dit-elle en se hâtant de quitter la chambre ; « et, si vous avez besoin d’un troisième, il n’y a que Satan lui-même, à ma connaissance, qui puisse froncer les sourcils comme vous deux. »

Aussitôt que la jeune fille eut proféré ces paroles tout en s’enfuyant, Herries entra. Il s’arrêta en observant que j’avais encore regardé dans le miroir pour tâcher de saisir sur mon visage quelques traces du signe qui avait indubitablement effrayé Dorcas. Il