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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/326

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partement le vieux M. Trumbull, portant d’une main un petit paquet, et de l’autre sa lanterne sourde, dont il dirigea la lumière en plein sur le visage de Fairford, en s’avançant vers lui.

Quoiqu’une telle apparition fût exactement ce à quoi il devait s’attendre, pourtant il ne vit pas sans émotion ce vieillard au visage sévère arriver si subitement ; surtout quand il se rappela (et cette idée était particulièrement choquante pour un jeune homme qui avait, comme lui, reçu une éducation pieuse) que cet hypocrite à cheveux gris venait probablement d’adresser au ciel de ferventes prières pour la réussite des transactions mystérieuses qu’il allait entreprendre dans ce commerce illégal.

Le vieillard, accoutumé à lire avec promptitude et finesse sur la physionomie des gens auxquels il avait affaire, ne manqua pas de remarquer une espèce de trouble dans les traits de Fairford. « Le repentir vous est-il venu ? dit-il ; allez-vous renoncer à l’aventure ?

— Jamais ! » s’écria Fairford d’un ton ferme, stimulé à la fois par son courage naturel et par le souvenir de son ami ; « jamais, tant que la vie et la force me resteront !

— Je vous ai apporté une chemise propre et des bas, c’est tout le bagage que vous pouvez convenablement prendre avec vous, et je prierai un de nos gens de vous prêter une redingote ; car il est imprudent de naviguer et de monter à cheval sans être bien couvert. Quant à votre valise, elle sera aussi bien en sûreté dans ma maison, fût-elle pleine de l’or d’Ophir, que si l’or était encore au fond de la mine.

— Je n’en doute nullement.

— Et maintenant, dites-moi, s’il vous plaît, sous quel nom dois-je vous présenter à Nanty[1] Ewart ?

— Par le nom d’Alan Fairford.

— Mais c’est là véritablement votre nom et votre prénom ?

— Et pourquoi vous en dirais-je d’autres ? croyez-vous que j’aie besoin de les déguiser ? Et d’ailleurs, monsieur Trumbull, » ajouta Alan, pensant qu’une petite plaisanterie pourrait faire croire qu’il avait l’esprit tranquille, « vous vous applaudissiez tout à l’heure de n’avoir aucun rapport avec des gens qui déshonoraient leurs noms au point d’être obligés d’en changer.

— C’est vrai, très-vrai ; néanmoins, jeune homme, mes cheveux gris n’ont rien à se reprocher sur ce point ; car, lorsque par suite

  1. Nanty, c’est-à-dire Antony. a. m.