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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/38

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Courre un daim ! Songez quelle magnifique idée c’est pour celui qui n’a jamais tiré que des moineaux ; et encore avec un pistolet d’arçon acheté dans la boutique d’un revendeur de Cowgate ! — Vous qui prônez tant votre courage, vous pouvez vous rappeler que je courus le risque de tirer ledit pistolet la première fois, tandis que vous vous teniez à une distance de vingt pas ; et que, après vous être assuré qu’il partirait sans éclater, oubliant toute loi, hors celle du plus grand et du plus fort, vous vous en emparâtes exclusivement tous les autres dimanches. Un tel amusement n’était pas une complète introduction au noble art de chasser le daim, comme il est exercé dans les hautes terres ; cependant je ne me serais point fait scrupule d’accepter l’honnête invitation de Glengallacher, au risque de tirer une carabine pour la première fois, n’eût été l’exclamation que poussa votre père à ma proposition, dans toute l’ardeur de son zèle pour le roi Georges, la maison de Hanovre et la foi presbytérienne. Je voudrais n’y pas avoir fait attention, puisque, par mon obéissance, j’ai si peu gagné dans sa bonne opinion. Toutes ses idées sur les montagnards sont puisées dans ses souvenirs de 1745, lorsqu’il abandonna West-Port, avec ses confrères les volontaires, pour se retrancher chacun dans la forteresse de leur propre demeure, aussitôt qu’ils apprirent que le prince aventureux était arrivé avec les clans jusqu’à Kirkliston. La fuite de Falkirk, — parma non bene relicta[1], — à laquelle votre père prit part, je pense, avec l’intrépide régiment de l’Ouest, ne semble pas avoir affaibli son dégoût pour la compagnie des montagnards ; (tirez-vous le courage dont vous êtes si fier d’une source héréditaire, Alan ?) et les histoires de Rob Roy Mac Grégor, ou du sergent Alan Mhor Cameron, ont contribué à donner aux Highlanders, dans son imagination, des couleurs encore plus noires.

Maintenant, d’après tout ce que je puis voir, ces idées, en tant qu’appliquées à l’état présent du pays, sont absolument chimériques. On ne songe pas plus au Prétendant dans les montagnes, que si le pauvre seigneur était allé rejoindre ses cent huit ancêtres, dont les portraits décorent les antiques murailles d’Holy-Rood. Les larges sabres ont passé en d’autres mains ; les boucliers servent à couvrir les barattes à beurre ; et les habitants, de bruyants fanfarons qu’ils étaient, sont devenus ou sur le point de devenir de lâches coquins. De fait, ce fut en partie ma con-

  1. Avec son bouclier honteusement abandonné. a. m.