Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ma foi ! qui entendrait jamais parler de vous ? interrompit Nixon. Vous imaginez-vous qu’on prendrait la peine de vous juger et de mettre la sentence d’emprisonnement dans le Courrier de l’Europe, comme on fait pour celle de l’Old Bailey ? — Non, non, jeune homme. — Les portes de la Bastille, du mont Saint-Michel et du château de Vincennes tournent sur de maudits gonds bien glissants quand elles se referment sur un homme, — et ne crient pas le moins du monde. Il y a dans ces prisons des cellules fraîches pour les têtes échauffées, — des cellules aussi calmes, aussi tranquilles, aussi noires qu’on pourrait les souhaiter à Bedlam. — Et l’on n’en sort que quand le menuisier apporte le cercueil du détenu, pas plus tôt.

— Hé bien ! M. Nixon, » répliqua Darsie affectant une gaieté qu’il était loin d’éprouver, « ma position est critique ; — mon cas est pendable, vous en conviendrez, — puisqu’il faut ou que j’offense le gouvernement établi et que je coure risque de ma vie en agissant ainsi, ou que je sois renfermé dans les donjons d’un autre pays dont je n’ai jamais enfreint les lois, puisque je n’y ai jamais mis le pied. — Dites, que feriez-vous à ma place ?

— Je vous le dirai quand j’y serai, » répliqua Nixon, et arrêtant son cheval, il se replaça à l’arrière-garde de la petite troupe.

« Il est évident, pensa le jeune homme, que le misérable me croit complètement dupe ; et peut-être a-t-il l’extrême impudence de supposer que ma sœur doit hériter éventuellement des richesses qui ont causé la perte de ma liberté, et que sa propre influence sur les destinées de notre malheureuse famille peut lui assurer la possession de l’héritière. Mais il périra de ma main auparavant ! — Il faut maintenant que je guette l’occasion de m’échapper avant qu’on m’entraîne de force à bord d’un vaisseau. — Willie l’aveugle ne m’abandonnera pas, je pense, sans faire un effort pour me servir, surtout s’il apprend que je suis le fils de son malheureux et dernier maître. — Quel changement pour moi ! Lorsque je n’avais ni rang ni fortune, je vivais inconnu, mais tranquille sous la protection des amis tendres et respectables dont le ciel avait disposé les cœurs en ma faveur ; — maintenant que je suis chef d’une maison honorable, que des entreprises du genre le plus audacieux dépendent de ma décision, enfin que des partisans et des vassaux sont prêts à se soulever au moindre signe de ma main, ma sûreté repose principalement sur l’amitié d’un vagabond, d’un aveugle ! »