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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/436

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et qui vous amène dans une maison si éloignée des routes ?

— Je ne suis pas tenu à vous décliner mon nom, dit Pierre, et quant à l’affaire qui m’amène ici… il y a encore une goutte d’eau-de-vie au fond du pot : — ce serait dommage de la laisser pour la fille. — C’est lui faire prendre de mauvaises habitudes.

— Tu auras le reste de la mesure, et tu iras ensuite au diable, si tu veux bien me dire ce que tu fais ici.

— Je cherche un jeune avocat qu’on appelle Alan Fairford, qui m’a joué un fort vilain tour : il faut que je vous mette au courant de l’affaire…

— Un avocat, l’ami ! » répliqua le capitaine de Jenny la Sauteuse, (car c’était lui, en personne, qui avait eu compassion de la soif de Pierre), « ma foi ! le Seigneur te protège ! tu as pris la mauvaise rive du détroit pour chercher un avocat, car les avocats sont écossais, et les hommes de loi anglais, à mon avis[1].

— Des hommes de loi anglais, l’ami ! s’écria Pierre, du diable s’il y a en Angleterre un seul homme de loi !

— Je souhaiterais de tout mon cœur que vous disiez vrai, répliqua Ewart ; mais qui diable vous a mis cela dans la tête ?

— Mon Dieu, mon homme, j’ai consulté un de leurs procureurs à Carlisle, et il m’a appris qu’il n’y avait pas un seul homme de loi en Angleterre, sans s’excepter lui-même, qui pût comprendre la nature d’un procès quelque peu compliqué, et quand je lui eus dit comment ce jeune vagabond, cet Alan Fairford m’avait servi, il me répliqua que je pouvais y prendre le prétexte d’une nouvelle action dans la cause, — tout comme si la cause n’avait point déjà autant d’actions qu’une cause pouvait en comporter. Mais, ma parole ! c’est une bonne cause, et qui a bien résisté dans son temps aux ressources de la procédure ; — mais c’est à force d’entasser de l’orge sur un cheval qu’on lui rompt les reins, et de mon consentement on ne l’embrouillera point davantage.

— Mais cet Alan Fairford ? dit Ewart, — voyons, — avalez la goutte d’eau-de-vie, bon homme, et parlez-moi de lui plus au long, dites-moi si vous le cherchez pour bien ou pour mal ?

— Pour mon bien à moi, et pour son mal à lui, c’est une chose sûre, répondit Pierre. Songez qu’il a laissé ma cause sur une paillasse entre la vie et la mort, moitié gagnée, moitié perdue,

  1. L’avocat est en écossais advocat, et en anglais counsellor. a. m.