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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/58

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nué le calme ou raccourci la durée. Néanmoins, il en fut autrement ; jamais je ne dormis plus profondément de ma vie. Je ne me réveillai qu’à la pointe du jour, au moment où mon hôte vint me secouer le bras et chasser quelque rêve dont, heureusement pour vous, je ne me souviens pas : autrement je vous en aurais gratifié, dans l’espoir de trouver en vous un second Daniel.

« Vous dormez bien, — » dit la voix pleine et sonore ; « avant que cinq années aient passé sur votre tête, votre sommeil sera plus léger, — à moins qu’avant cette époque vous ne soyez plongé dans le repos qui ne doit pas avoir d’interruption.

Comment ! » m’écriai-je en me dressant sur mon lit ; savez-vous quelque chose de moi, — de mes projets, — de mes vues dans cette vie ?

— Rien, » répondit-il avec un triste sourire ; « mais vous entrez dans le monde, jeune, inexpérimenté et plein d’espérance, et je ne fais que vous prédire une chose que je prédirais à toute autre personne de votre position. — Mais, allons, voilà vos habits. — Une croûte de pain bis et une tasse de lait vous attendent, si vous voulez prendre quelque chose ; — mais il faut vous dépêcher.

— Il faut d’abord, répliquai-je, que je prenne la liberté de rester seul pendant quelques minutes avant de commencer les actes ordinaires de la journée.

— Oh ! — hum ! — Je demande pardon à votre dévotion, » répondit-il ; et il quitta l’appartement.

Alan, cet homme a quelque chose de terrible.

Je le rejoignis bientôt, dans la salle où nous avions soupé la veille au soir, et où je trouvai les mets qu’il m’avait offerts pour déjeuner, mais sans beurre ni rien de plus.

Il se promena de long en large, tandis que je prenais du pain et du lait ; et ses pas lents, réguliers et lourds me parurent identiques à ceux que j’avais entendus la nuit dernière. Sa démarche d’une tristesse solennelle semblait suivre le cours d’une passion intérieure, sombre, calme et immuable. — Nous courons légèrement sur les bords riants d’un joli ruisseau, pensais-je, comme si nous voulions lutter avec lui de vitesse ; mais, auprès d’une onde profonde, lente et solitaire, nous devenons sombres et silencieux comme elle. Quelles pensées pouvaient convenir à ce front soucieux, et nécessiter ce pas majestueux ?